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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

Hervé affecte de le traiter dédaigneusement ; il ne l’appelle plus que : cet homme-là, iste fiomo.

La théorie de la connaissance, la psychologie, la morale ne sont pas en cause au présent ouvrage ; nous ne dirons donc rien, ni du traité De intellectu et speciebus, ni du traité De voluntate et intellectu ; notre attention se portera seulement sur les débats qui les précèdent et qui ont, avec la Cosmologie, des lions plus étroits.

Nous nous attacherons, en premier lieu, à la question isolée sur la matière et la forme.

Henri de Gand voulait que l’existence d’une matière première dépouillée de toute forme ne fut pas une absurdité : Dieu donc eût pu créer et faire subsister une telle matière toute nue. Fidèle aux enseignements du Péripatétisme, Hervé repousse absolument cette pensée. « À cette question, dit-il[1], voici ce que je réponds : Il ne me parait pas que la matière puisse, d’aucune façon, exister en acte et dans la nature des choses on l’absence de toute forme ; et je le montre par six raisons. » De ces six raisons nous ferons grâce au lecteur.

Henri de Gand a supposé que toute substance autre que l’homme possédait une seule forme substantielle. Pour l’homme, il a jugé que la foi l’obligeait à ne point garder cette thèse ; comment, en effet, celle-ci permettrait-elle de dire que le cadavre délaisse par 1 âme de Jésus-Christ et déposé par Joseph d’Arimathie dans le sépulcre était encore le corps du Christ ? Il a donc admis que l’homme possédait deux formes substantielles ; l’une, la corporéité ou forme du mixte, est tirée par génération de la puissance de la matière ; l’autre, l’âme raisonnable, est infusée par création.

Dans son traité Des formes, Hervé commence par reproduire en grand détail l’argumentation à l’aide de laquelle son adversaire défendait cette doctrine ; mais en fidèle thomiste, il tient pour une opinion toute contraire ; de sa longue discussion, reproduisons seulement le commencement[2] ; il contient l’essentiel de sa pensée.

« Après avoir exposé comment celui-là (iste) a traité de l’unité de la forme, j’ai maintenant l’intention de dire mon sentiment sur ces questions.

» Il faut, tout d’abord, examiner la quatorzième question du quatrième quolibet, celle où il demande s’il y a plusieurs formes

1. Herveus contra Henricum de materia et forma. Ms. cit., fol.228, col. a.

2. HERVEus contra Henricum de Jormis ; premier chapitre de la réponse. Ms, cit., fol. 210, col. a.

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