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HERVÉ NÉDÉLEC

« Selon ceux qui ne regardent pas comme absurde l’existence actuelle d’une multitude infinie, il est facile de répondre ; il suffit de nier que la conséquence présente une impossibilité. »

L’objection devient plus embarrassante si l’on admet « que l’existence actuelle d’un infini implique contradiction, tout comme il est contradictoire que le blanc soit noir ». Alors, « de même que Dieu ne pourrait faire que le blanc fût noir,… ainsi ne pourrait-il faire qu’une multitude infinie d’anges coexistassent pendant un temps infini, quand meme on supposerait le temps infini ». Ce n’est pas une réponse. Comment concilier ccttc impossibilité avec la toute puissance créatrice de Dieu ? Lui aurait-il donc été interdit de créer un ange chaque jour ? Ou bien se fût-il vu contraint de détruire les anges précédemment créés au fur et à mesure qu’il on eût créé de nouveaux ? Mais passons, et lisons ce que notre Frère Prêcheur imagine, en cette hypothèse, pour éviter la coexistence d’une multitude infinie d’âmes humaines.

« Si l’on admettait que le monde a été de toute éternité, Dieu pourrait, à la génération des hommes, assurer une durée infinie sans que la multitude des âmes fût infinie.

» Il le pourrait faire, tout d’abord, à l’aide du retour cyclique des âmes ; car si Dieu le voulait, les mêmes âmes pourraient être incorporées une infinité de fois.

» Il le pourrait faire aussi parce qu’au moment de la mort, chaque âme cesserait d’exister ; il suffirait qu’à la mort de chaque homme, Dieu retirât à l’âme l’influence qui la fait subsister ; car s’il est vrai que l’âme ne dépend point du corps, elle dépend, toutefois, de 1 influence divine.

» Mais, direz-vous, cela ne conviendrait pas. Je réponds : Cela ne conviendrait pas selon le cours actuel des choses, soit ! Mais cela pourrait convenir suivant un autre cours que Dieu eût pu instituer au sein des choses. Selon cet autre cours, il pourrait convenir que les mêmes âmes fussent incorporées une infinité de fois, ou bien que les âmes, par suppression de l’influence conservatrice de Dieu, cessassent d’exister ; Dieu donnerait alors aux hommes une telle façon de vivre ; tout le salaire qu’ils doivent recevoir sous forme de peine ou de récompense serait reçu dès cette vie, bien qu’actuellement, il n’en soit pas ainsi. Que Dieu puisse trouver, pour la génération et le salaire des hommes, un mode convenable et différent de celui cjui est actuellement réalisé, c’est ce que nul ne saurait nier. »

En déniant à la Métaphysique le pouvoir de démontrer que le monde a eu commencement, Saint i homas d’Aquin a semé