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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

l’énoncé. « La matière qui existe sous la forme céleste est pure puissance, dit-il[1]. Si cette matière était quelque chose qui lût en acte, la matière du ciel et la forme du ciel ne pourraient former quelque chose qui fût vraiment un ; ou, du moins, s’il se formait par là quelque chose qui fût vraiment un, ce serait seulement d une unité accidentelle et la orme du ciel serait une forme accidentelle. Seule, en effet, la forme substantielle s’unit immédiatement a la matière ; toutes les autres formes sont des formes accidentelles. Nous disons : les autres formes sont des accidents, parce que, seule, cette forme substantielle est unie immédiatement à la matière même, laquelle, par elle-même, est puissance pure ; les autres formes se conjoignent à un être qui est déjà en acte, à la matière déjà mise en acte par la forme substantielle, et l’on dit que ce sont des accidents ».

À la doctrine d’Henri de Gand et de Richard de Middleton, Gilles oppose l’axiome d’Averroès, si souvent invoqué par Saint Thomas : Deux principes en acte ne sauraient, par leur union, constituer une chose qui soit vraiment et substantiellement une. Cet axiome est le fondement sur lequel repose la théorie de l’unité de la forme substantielle, et nous venons d’entendre, rappelées par Gilles, les propositions fondamentales de cette théorie. L’Archevêque de Bourges a bien pu, touchant la distinction entre 1 essence et 1 existence, touchant la matière des cieux, délaisser et même attaquer les positions de Saint Thomas d’Aquin ; mais il est demeuré, jusqu à la fin, un ferme tenant de la thèse essentielle du thomisme ; il n’a jamais consenti à ce que deux formes substantielles différentes se pussent rencontrer en une substance unique.

Nous savons que l’Opus hexaemeron est exactement contemporain du Scriplum super secundo libro Scntentiarum, et que ce dernier écrit n’a pas été achevé avant 1309 ; si nous n’eussions tenu compte que de cette date, nous aurions reporté l’examen des doctrines de Gilles de Rome après l’exposé des théories de Duns Scot ; mais, sans doute, l’Archevêque de Bourges n’avait fait, en ces deux ouvrages, que réunir des leçons données autrefois à Paris, dont il avait, sans doute, retouché la forme sans modifier grandement le fond. C’est à ces retouches de pure forme que l’Archevêque de Bourges paraît faire allusion, lorsqu’au préambule de ses questions sur le second livre des Sentences, il qualifie[2]d’edi-

1. Ægidii Romani Opus heæaerneron, Pars I, Cap. IX.

2. Ægidii Romani Opus super secundo libro Sententinrum ; proæmium. éd. cit., fol. sign. a, col. a.

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