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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

À ce propos, notre docteur en théologie se trouve amené à citer le dernier des trois articles condamnés que nous venons de rapporter[1] ; il rappelle que « la sentence pontificale condamne totalement ces articles et excommunie quiconque oserait enseigner, soutenir ou défendre ces erreurs ou quelques unes d’entr’elles. » Néanmoins, son respect pour cette « sentence pontificale » ne l’empêche pas de lui opposer une objection, et de laisser clairement entrevoir qu’il n’était point compris en la majorité par laquelle les trois articles précédents furent condamnés.

« Tous les maîtres en Théologie, dit-il, avaient été réunis à ce sujet, et j’étais l’un d’entre eux ; ils accordaient à l’unanimité que si l’ange se trouve substantiellement eu un lieu, cc n’est pas sa substance meme qui est sa raison d’être eu ce lieu. » Le membre de phrase (pii termine la troisième condamnation et en délimite la portée avait donc réuni Funanimilé des suffrages. Mais Henri de Gand n’avait assurément pas opiné en faveur des condamnations elles-mêmes. « Pour la même raison, poursuit-il, il est indubitablement vrai que si l ange n’applique pas sa vertu à un lieu en exerçant, en ce lieu, quelque opération par son pouvoir, c’est-à-dire son intelligence et sa volonté, son pouvoir, c’est-à-dire son intelligence et sa volonté, ne sera pas davantage sa raison d’être en ce lieu ; à moins cependant que son pouvoir ne soit chose moins abstraite que sa substance. Si c’est là la vérité, je suis incapable de la comprendre comme de comprendre beaucoup d’autres choses. Si donc le pouvoir de l’ange n’est pas la raison par laquelle il est en un lieu, ce que pour le moment, d’ailleurs, je ne décide, ne soutiens ni ne défends, il faut chercher autre chose qui soit sa raison d’être en un lieu. Sur ce sujet, il me serait plus agréable d’entendre les autres que de parler moi-même ; avouer que j’ignore cc que je répondrais à la question posée est plus sûr, à mon sens, que de tirer de mon propre fonds quelque indiscrète opinion. »

Henri de Gand ne se borne pas à faire des objections à ceux qui affirment la localisation substantielle d’un ange ; il en adresse même à ceux qui, comme Thomas d’Aquin, ne le localisent que par son opération. Évidemment, ses préférences vont à la théorie qui, à une intelligence angélique, dénie toute localisation. Il parle[2] avec quelque dédain de ces gens « incapables de comprendre qu’il y ait, parmi les choses qui font partie de l’univers et

1. Henri de Gand, loc. cit., éd. cit., fol. XXXVI, verso.

2. Henri de Gand, loc. cit., éd. cit., fol. XXXVI, recto.

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