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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

composé de deux principes ; il faut que ce soit un corps composé d une véritable matière et d’une véritable forme qui, en s unissant ensemble, produisent un être vraiment un ». La thèse du Commentateur « est fort joliment dite et exposée, mais elle ne tient pas debout ».

Cependant, c’cst un axiome emprunté au De substantia orbis qui va permettre à Gilles de poursuivre sa déduction ; cet axiome est le suivant : La matière première, qu’elle soit matière céleste ou matière élémentaire, est pure puissance ; muleria per se est potentia pura[1].

C’est parce que la matière céleste et la matière élémentaire sont, toutes deux, puissance pure que ces deux matières ne sauraient, comme l’a voulu Thomas d’Aquin, comme l’ont voulu plus tard Henri de Gand et Richard de Middleton, être distinguées l une de l’autre.

« C’est l’acte qui distingue[2] ; enlevez l’acte, vous enlevez toute distinction… La matière du ciel est puissance pure et la matière des corps sublunaires est aussi puissance pure ; si on les dépouillait de toute forme, cette matière-ci n’aurait plus rien par quoi elle put différer do celle-là, puisqu’en la puissance pure, il ne saurait y avoir de distinction. »

« En tant donc que la matière est pure puissance[3], elle est une et identique en toutes choses. »

« De même[4] qu’en l’acte pur, une distinction essentielle ne saurait trouver place, qu’il ne saurait exister deux actes purs essentiellement différents ; de même, en la puissance pure, il ne peut se rencontrer de distinction essentielle ; il ne peut y avoir deux puissances pures essentiellement différentes. Si donc la matière des corps célestes était autre que la matière des corps inférieurs, il faudrait que l’une des deux ne lût pas pure puissance et, par conséquent, ne fût pas matière…

» Certains théologiens[5] ont admis qu’il y avait une véritable matière dans les corps célestes aussi bien que dans les corps

1. Ægidii Romanï Quæsttones de materia cæli ; quæst. II ; éd* cit., fol. 82, col* a* — CL Opus he.raenieron, Pars 1, capp. V et VL — O/Jüi’super secundo libro Sentent tarum^ quæst. cit,

2. Ægidu Romani Çaatel tories de wa/er/a cadé, Zoc. ci7*

3. Ægidu Rom axi C’ommeflfarûz /n tibros de generatione et corruptione A ris* tûtelis, lib. I, leeL III (non numérotée), dubium 3 ; éd. cit., fol. 7, col. b.

4. Ægidii Romani Ûpus Aettaemeron, cap. V.

5. Ægidii Romani Opus Aexae/neron^ cap. V. — Le théologien désigné ici est Saint Thomas d’Aquin (CL Summa theologica, pars 1, quæst. LXVI, art. H). En cette question, d’ailleurs, Gilles argumente sans cesse contre Thomas d’Aquin.

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