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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

mesure cette identité et n’hésitent pas à affirmer que la matière n’est pas de même essence en toutes les substances corporelles ; en soutenant cette opinion ils se déclarent tenants du Commentateur. Ceux-ci analysent les deux natures dont les corps célestes sont composés et ils prétendent que ces deux nalures sont seulement homonymes de celles qui composent les substances inférieures. .. D’ailleurs, ceux qui prétendent que les corps célestes n’ont pas, en commun avec les corps inférieurs, une matière de même essence, après avoir dit qu’ils tenaient pour le Commentateur, ont ensuite, dans leurs écrits, combattu l’opinion du Commentateur[1].

» Ces préliminaires posés, disons qu’au sujet de l’identité de la matière, nous soutiendrons l’opinion moyenne. Nous ne tiendrons pas pour Avicébron 2 qui amplifiait cette identité au point de prétendre qu’en la matière toute nue, il y avait communauté entre les substances corporelles et les substances spirituelles ; mais nous ne tiendrons pas non plus pour ceux qui restreignent tellement cette identité qu’ils ne veulent pas accorder la communauté de la matière toute nue à toutes les substances corporelles, savoir aux substances célestes comparées aux substances d’icibas…

» Suivons donc la voie intermédiaire ; ne disons pas que les substances spirituelles et les substances corporelles ont une même matière ; ne disons pas non plus que la matière commune à certaines substances corporelles ne l’est pas à d’autres ; disons que toutes les substances corporelles ont une matière qui est la même par essence. »

La première proposition que Gilles entende établir est celle-ci : La substance céleste est une substance composée d’une forme véritable et d’une matière véritable. C’est contre Averroès qu’il lui faut argumenter.

« C’est au De substantiel orbis, écrit-il que le Commentateur examine quelle est la composition du corps céleste ; or, en cet

1. On regarde, en général, cette allusion comme visant Saint Thomas d’Aquin ; celui-ci, en effet, en sa Somme théologique (Première partie, quest. LXV1, art. Il) rejette l’opinion, exprimée par Averroès au De substanlia orbts, que le corps du ciel en est la matière et que l’intelligence motrice séparée en est la forme. Maison ne voit pas qu’en ses écrits plus anciens, Thomas ait partagé l’opinion du Commentateur.

2. Au chapitre suivant (Pars I, cap. V), Gilles, reprenant les mêmes considérations, dit qu’ « Avicébron a intitulé son livre Fontaine de vie, bien qu’il soit plein d’erreurs et qu’il y ait affirmé sans aucun fondement l’existence véritable et 1’unité de la matière en toutes les créatures ».

3. Ægidii Romani Quæstiones de materia cæli-, quæst. I : Utrum in cælo sit materia ; éd. cit., fol. 78, col. c.

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