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GILLES DE ROME

» Peut-être dira-t-on que la matière qui est en l’âme n’est pas pure puissance, mais [qu’en l’âme, il y a matière] parce qu’en la nature de l’âme, il y a quelque aptitude potentielle à recevoir certaines perfections ultérieures, telles que des pouvoirs, des habitudes, des activités, toutes choses qui se rencontrent aussi bien dans les âmes humaines que dans les intelligences pures. Que celui qui s’exprime ainsi garde son avis, niais qu’il corrige son langage. Qu il ne dise donc plus que l’âme ou F intelligence est composée de matière et de forme, mais qu elle est composée de puissance et d’acte, ou bien de substance et d’accident, ou bien encore d essence et d’existence ; tout cela, nous le lui accorderons de grand cœur. »

C’est bien, semble-1-il, à Richard de Middleton que cc discours s’adresse.

Gilles, d’ailleurs, a soin de formuler sa propre pensée en des termes qui en soulignent l’accord de fond, sinon de forme, avec celte du Docteur f ranciscain : « L’âme n’est pas composée de matière et de forme, si l’on prend le mot matière au sens propre. Nous pourrions, en effet, prendre cc mot au sens large ; de tout ce qui est en puissance, on peut dire que c’est quelque chose de matériel ou bien encore quelque chose qui se comporte à la façon de la matière ; en cc cas, les intelligences elles-mêmes mil leur principe matériel ou leur hyleachis, comme il est dit au commentaire de la neuvième proposition du Livre des causes. »


E. La matière céleste.


Henri de Gand, suivant une idée qui semble fort juste, avait un moment lié le sort de la matière céleste à celui de la matière angélique ; puis le lien qu’il avait noué, il l’avait aussitôt brisé, accordant aux orbes célestes une matière qu’il refusait aux anges. Richard de Middleton et Godefroid de Fontaines avaient rétabli le lien qu Henri avait successivement attaché puis détaché ; ils avaient jugé que la matière devait être accordée à la fois à la substance céleste et à la substance angélique ou refusée en même temps à ces deux matières ; à partir de ce principe commun, iis avaient paru, toutefois, marcher en des sens opposés, puisque Richard mettait une matière dans les anges comme dans les orbes, tandis que Godefroid en privait les uns et les autres ; mais entre eux, la divergence n’était guère que dans les mots, Richard donnant le nom de matière à un principe potentiel que Godefroid