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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

l’essence (ad format et ad rationem quidditatis) ; certaines choses se ramènent à la matière et à ce qui appartient à l’individu. » Mais au sein d’une chose immatérielle qui est une forme existante par elle-même, il ne peut rien exister naturellement qui ne provienne de la forme et qui ne se ramène aux principes de l’espèce. Pour les choses immatérielles, donc, en tant qu elles sont conçues par notre intelligence (ut comparantur ad intellectum), une chose est identique à son essence (idem est res cum sua quidditate) ; car une chose immatérielle et ce qui se trouve en elle ne sauraient être connues par une autre vertu cognitive que celle à laquelle l’essence de cette même chose est connaissable ; en effet, tout ce qui se rencontre en une chose immatérielle est ou forme ou effet de la forme ou relatif à la forme ; il n’y a donc, en une chose immatérielle, rien qui puisse être connu par le sens ; tout y est propre à être connu par l’intelligence, car tout y est forme et espèce ; et tout ce qui appartient à la forme et à l’espèce, en tant que tel, est connaissable par l’intelligence, non par le sens. Là donc la chose est identique à l’existence de la chose ou, en d’autres termes, la chose est identique à son essence (ibi eroo idem est res et esse rei, vel idem est res et sua quid~ ditas]. Non pas qu’il n’y ait là aucune composition ni que la chose soit, de toute façon, identique à son essence ; la chose est seulement identique à son essence en tant qu’à la même vertu cognitive à laquelle il appartient de connaître l’essence, il appartient aussi de connaître la chose et tout ce qui se trouve en cette chose. Ici, en effet, il nous est absolument impossible de dire que T essence est connaissable à l’intelligence tandis que la chose ou une partie de ce qui se trouve en elle serait connaissable au sens. Tout cela est connaissable à une seule et même vertu, savoir, à l’intellect.

» Il n’en est pas ainsi pour les choses matérielles ; sans doute, l’essence même des choses matérielles est connaissable à l’intelligence ; ruais la chose individuelle elle-même et tout ce qui, eu elle, se tient, directement et par soi du côté de l’individu, tout cela n’est pas connaissable à l’intelligence, mais bien au sens ; en effet, par considération directe, l’intelligence ne peut connaître l’individu matériel ; si elle le connaît, c’cst seulement par considér. iiion réflexe, el en tant qu’elle porte son attention sur les images. »

Rien de plus net, au moins en apparence, que la doctrine exposée en ce passage. Au sein d’une créature immatérielle aussi bien qu’au sein d’une créature matérielle, l’essence est distincte