Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée
305
GILLES DE ROME

« Quelqu’un se demandera peut-être comment, dans les choses matérielles, la chose diffère de l’existence de la chose ou bien encore comment la chose diffère de son essence (quidditas), tandis qu’il n’en est pas ainsi dans les choses immatérielles.

» Il ne faut pas, répondrons-nous, entendre que les choses immatérielles sont identiques à leur essence au point qu’il n’y ait rien en elles qui ne soit l’essence même. C’est seulement en la Cause première qu’une telle identité est véritable ; là, en effet, il n’y a aucune composition, c’est-à-dire qu’il n’y a d’aucune manière une chose distincte d’une autre ; tout ce qui est en Dieu est la même chose que Dieu même. Mais cette simplicité suprême ne se trouve pas au sein des intelligences ; là, en effet, l’existence est étrangère à la nature de l’essence (esse est prêter rationem quidditatis), de même que la vertu est étrangère à la nature de la substance ; car si nous plaçons, en une intelligence, l’intellect ou la vertu qui connaît (virtus intellectiva), cette vertu, cet intellect est différent de la substance ; et si nous y mettons l’existence, cette existence est différente de l’essence (illud esse est differens a quidditaté). C’est pourquoi lorsqu’on parle de la composition des intelligences, certains disent qu’il y a, en elles, composition ex quod quid est et esse, car elles sont composées d’existence (esse) et d’essence (quidditas) ; d’autres disent qu’il y a en elles composition de substance et de vertu ; comment chacune de ces deux affirmations est véritable, ce que nous venons de dire le rend, en quelque façon, évident, line personne intelligente ne doit donc pas entendre que les Ames sont identiques à leur essence à tel point qu’il n’y ait rien en elles qui soit étranger à la nature de l’essence.

» Mais il faut savoir que nous rencontrons, au sein des choses immatérielles, une certaine identité de la chose avec son essence (quidditas) que nous ne rencontrons pas au sein des choses matérielles.

» La définition, en effet, est un discours qui exprime la quiddité et l’essence d’une chose ; les principes [constitutifs] de Fespèce, donc, principes au moyen desquels est composée la définition, sont ceux qui appartiennent à l’essence. Au sein des réalités materielles, il y a certaines choses qui ont pour causes les principes de l’individu et d’autres choses qui ont pour causes les principes de l’espèce ; les propriétés, en effet, sont causées par les principes de l’espèce et les accidents par les principes de l’individu ; il n est donc pas requis que tout ce qui se rencontre au sein d’une chose matérielle se ramène à la forme et à la nature de