Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/310

Cette page n’a pas encore été corrigée
300
D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

ceptuelle. C’est prise en cette existence essentielle que l’essence est indifférente à l’existence [naturelle] et à la non-existence [naturelle].

» Tout cela ne nous semble pas bien dit, et nous ne comprenons pas qu’il en soit comme le disent ces personnes. » Et Gilles se livre à une discussion minutieuse et précise de cette existence essentielle qu’Henri de Garni mettait au-dessus de l’existence universelle et de l’existence particulière. A cette distinction notre ermite de Saint Augustin va en substituer une autre, et cette autre, nous n’aurons aucune peine à reconnaître qu’il l’emprunte à Godefroid de Fontaines.

» Nous avons vu, dit-il, que les distinctions proposées ne sont pas suffisantes. Nous distinguerons donc, pour toutes choses, deux existences réelles et une troisième existence qu’elle possède en la pensée qui la considère.

» [Une rose, par exemple, ] a une certaine existence en ses causes, et de cette manière, elle existe en puissance. Alors même qu’aucune rose n’existerait d’une manière actuelle, la rose existe en la puissance de la matière et dans les vertus actives et passives à l’aide desquelles une rose peut être produite, (pii sont les propres causes de cette rose.

» La rose possède aussi une existence en elle-même ; et ce qu elle a de la sorte, c’est l’existence actuelle.

» Enfin, l’intelligence peut considérer la rose et raisonner à son sujet.

» Lors donc que l’on nous demande s’il y a une essence qui soit indifférente à l’existence et à la non-existence, et si l’on veut parler d’une [essence qui soit douée de quelque] existence réelle, nous répondrons : Non.

» Prise, en effet, sous une existence de ce genre, ou bien l’essence existe en ses causes ; elle existe alors en puissance ; douée de cette existence en puissance, elle n’est pas indifférente à lêtre et au non-être ; elle existe en puissance et n’existe pas en acte ; dès lors, elle tient plus du non-être que de l’être, car ce qui est en puissance a plus de non-être que d’être.

» Ou bien l’essence dont on parle est considérée comme existant en elle-même ; de cette manière, elle existe en acte ; lorsqu’elle existe de cette façon, elle tient plus de l’être que du non-être.

» Mais maintenant, si nous voulons considérer la chose comme le sujet des opérations de notre intelligence, notre intelligence est indifférente à l’existence ou à la non-existence de cette chose, et il peut arriver que cette chose soit ou qu’elle ne soit pas. Peut-