Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/309

Cette page n’a pas encore été corrigée
299
GILLES DE ROME

actuelle est réellement distincte de l’essence ; acluale esse realiter ab essentia est distinctum. »

En sa seconde discussion quodlibétique, Gilles se trouve encore aux prises avec le problème de l’essence et de l’existence’. Mais quel changement en la solution qu’il en propose ! Gomme les lectures faites par lui, depuis un an, ont profondément modifié ses premières convictions !

La question était posée sous la forme suivante : Y a-t-il, dans les choses, une essence qui soit indifférente à l’existence et à la non-existence ?

Avant de répondre à cette question, Gilles ne s’est pas contenté de lire Henri de Gand ; il a lu également Richard de Middleton, car diverses expressions, empruntées à celui-ci, se rencontrent en l’exposé de ce qu’a pensé celui-là : « Quelques personnes concèdent à toute essence créée une certaine existence essentielle, tandis qu elle est indifférente à l’existence réelle et à la non-existence réelle. Ils disent, en effet, qu’il peut arriver à l’essence d’être une ou multiple, universelle ou particulière. Si vous concevez l’essence prise eu elle-même et toute nue, vous ne la concevez ni comme étant une ni comme étant multiple ; toujours, le concept absolu et tout nu de la chose précède tout concept de cette même chose qui serait relatif et comparé à quelque autre objet. Or, pour que l’essence puisse être dite multiple et particulière, il faut qu’on la compare aux individus en lesquels elle existe [réellement] ; on la nomme, au contraire, une et universelle lorsqu’on la compare à l’intelligence [qui la conçoit]. Il faut donc que l’essence prise eu elle-même ait priorité [sur l’essence rapportée aux individus en lesquels elle existe et sur l’essence rapportée à l’intelligence qui la conçoit] ; il faut qu’elle précède l’essence conçue soit sous forme universelle soit sous forme particulière. Selon ces personnes, donc, 1 essence a trois manières d’exister : l’existence naturelle, l’existence conceptuelle (ewe rationis) et l’existence essentielle ; l’existence naturcelle, c’est celle qu’elle a dans les choses mêmes ; l’existence conceptuelle, c’est celle qu’elle possède en tant que rapportée à l’intelligence ; enfin, l’existence essentielle, c’est celle qui lui appartient lorsqu’on la considère en elle-même…

» Ces personnes veulent donc que l’existence essentielle soit autre chose que l’existence naturelle et que l’existence cont. Ægidu Romani Op. laud., Quodlib. 11, quæst. VI : Utruin aliqua ait essertlia quæ se habeat per iudifïereutiam ad esse et non esse. Ed. cit., fol. i4.