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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

au VIIIe livre de la Physique, puis les arguments que l’on peut tirer des autres écrits du Philosophe, ensuite les raisons présentées par Averroès, enfin celles qu’Avicenne a invoquées. Nous ne pouvons songer à analyser ici cette longue et minutieuse discussion ; nous nous bornerons à citer quelques passages particulièrement propres, semble-t-il, à caractériser la pensée de Gilles. De ce nombre nous paraissent être les réflexions 1 qui suivent immédiatement la liste des arguments des- philosophes en faveur de l éternité du Monde :

« On pourrait encore citer plusieurs raisonnements qui tendent à cet objet ; on pourrait aussi, des paroles de ces mêmes philosophes, tirer quelques autres raisons ; mais il suffit de citer les raisonnements précédents car, en déliant ces raisonnements, nous aurons suffisamment vidé la question des difficultés qu’ci le présente.

» L’Écriture sainte et la vérité nous enseignent, contrairement à ces raisons, que le monde n’est pas éternel.

» Voici donc ce que je réponds :

» Ce sont les choses sensibles qui nous doivent conduire, comme par la main, aux choses intelligibles. C’est bien ainsi que le Philosophe a procédé lorsqu’il a voulu prouver que les corps soumis aux sens, que les mouvements et les transformations que nous voyons dans les corps sensibles n’ont pas, en leur universalité, eu de commencement et qu’en leur universalité, ils n’auront pas de fin ; cette proposition, il s’est efforcé de la prouver en partant des choses sensibles.

» Selon lui, en effet, telle chose capable de génération a commencé, telle autre chose corruptible a cessé d’exister ; mais, au gré du Philosophe, il est impossible d’assigner, dans le passé, le premier être soumis à la génération, non plus que d’assigner, dans l’avenir, le dernier être soumis à la corruption ; l’ensemble des choses soumises à la génération et à la corruption n’a donc jamais eu de commencement et n’aura jamais de lin. À plus forte raison, les corps célestes qui causent les transmutations des corps inférieurs et assurent la perpétuité à ces changements, n’ont-ils pas eu de commencement et n’auront-ils pas de lin. Plus certainement encore, les intelligences ou les âmes des cieux, qui meuvent les orbes, n’ont pas commencé et ne finiront pas. Or, c’est là tout l’univers, savoir les corps soumis à la génération et

1. Ægidii Romani Op, laud, Dist. 1, Pars 1, quæst, XIII. Ed. cil., fol, (non paginé) qui précède immédiatement le foL sign. C, col. c et d.