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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

» 7o L’âme qui est la forme de l’homme en tant qu’homme est détruite lors de la destruction du corps.

» 8o Après la mort, l’âme séparée du corps ne peut souffrir par l’effet du feu corporel.

» 9o Le libre arbitre est une puissance passive et non pas active ; L’objet désiré le meut d une manière nécessaire.

» 10o Dieu ne connaît pas les choses singulières.

» 11o Dieu ne connaît rien hors de lui-même.

» 12o Les actions humaines ne sont pas gouvernées par la providence de Dieu.

» 13o Dieu ne peut donner l’immortalité à une chose mortelle ni exempter une chose corruptible de la corruption. »


III
LES ARTICLES CONDAMNÉS À PARIS EN 1277

Les condamnations portées en 1270 par Étienne Tempier ne rétablirent pas la paix et la concorde en l’Université de Paris ; entre les tenants de la Philosophie gréco-arabe, prise avec toutes ses conséquences, et les croyants soucieux de n’admettre aucune proposition hétérodoxe, la lutte continua plus âpre que jamais[1] ; la Faculté des Arts en fut déchirée ; elle se divisa en deux partis dont l’un se groupa autour d’Albéric de Reims, l’autre, le moins nombreux, autour de Siger de Brabant ; la scission dura près de quatre ans ; seul, l’arbitrage du légat du pape, Simon de Brion, put y mettre fin.

Mais l’unité doctrinale n’en fut pas rétablie ; une partie des maîtres continua d’enseigner les doctrines les plus caractérisées et, pour ainsi dire, les plus païennes, des Philosophies péripatéticienne et néoplatonicienne ; et, parmi la gent écolière, prompte à mener les principes jusqu’à leurs conséquences les plus grossièrement pratiques, il en résulta un débordement d’impiété et d’immoralité.

De l’état déplorable où se trouvait l’Université de Paris, l’autorité suprême s’émut. Le pape était alors Jean XXI qui, sous le nom de Pierre l’Espagnol (Petrus Hispanus), avait été jadis, l’un des plus savants logiciens de la Faculté des Arts. Le 18 janvier 1277,

  1. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, Chapitre VIII, p. 196 sq.