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GILLES DE ROME

peut arriver, en effet, qu’affirmer telle vérité ne regarde pas telle science, il est une chose qui regarde toute science ; c’est de ne pas affirmer une erreur. Le Philosophe, donc, en tant que physicien, ne devait pas affirmer que Dieu a pu, de rien, produire quelque chose, et que, ce quelque chose, il le pourra ramener au néant ; cela était, en effet, hors des principes de la Philosophie naturelle ; niais, toutefois, il ne devait pas le nier. »

Ce que Gilles avait dit de l’éternité du monde en ses écrits sur le De générations, il l’a repris plus au long en commentant le huitième livre de la Physique.

« Bien que nous ayons, à l’aide de moyens multiples, soutenu le raisonnement du Philosophe[1], tous ces moyens, cependant, reposent sur une supposition fausse. Ils supposent, en effet, que toute production est le terme d’un mouvement. Si l’on admet cette supposition, il est impossible de répondre aux raisons du Philosophe. Si, au contraire, nous parvenons à montrer qu’il est un agent capable d’amener les choses à l’existence sans qu’aucun mouvement précède cette action, les raisonnements du Philosophe n’apparaîtront plus que comme de vils sophismes. »

« Il est évident, donc[2], que toutes les raisons invoquées par Aristote sont fausses en elles-mêmes ; de plus, elles se complètent et se soutiennent les unes les antres ; dès lors, lorsque le Philosophe voulait, par ces raisons, prouver l’éternité du mouvement, il raisonnait à faux et prenait des erreurs pour fondements. Ces raisons, en effet, sont probantes si l’on suppose ce fondement faux qu’aucune innovation ne saurait avoir lieu sans qu’un mouvement la précédât. Mais une fois démontré que Dieu peut, sans aucun changement précédent, produire des choses nouvelles, ce qu’assurément nous avons démontré d’une manière suffisante, il apparaît clairement que les raisonnements du Philosophe ne sont pas des démonstrations, mais des sophismes. »

« Les raisons du Philosophe[3] ne prouvent pas d’une manière suffisante que le mouvement n’a pas commencé ; démontrent-elles d’une manière satisfaisante qu’il ne finira pas ?

» Quelques personnes prétendent que cette conclusion n’est point fort contraire à notre foi. Bien que, d une certaine manière, cela soit vrai, si l’on considère cependant quelle est la pensée du

1. Ægidii Romani In Aristotelis Itéras de physico audita commeataria ; lib. VIII, lect. 11, dubititn 2W J éd. cit,, fol. <5^, col. c.

2. Ægidii Romahi Op. laud., lib. VIH, lect. III, dubium 4111 (marqué dubium priwium) ; étl. cit., fol. i5g, col. b. .

3. Ægidii Romani Op. laud., lib. VIII, lect. IV, dubium 3m ; éd. cit., fol, i6n, col. c ei col. d.

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