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GILLES DE ROME

revanche, il lui consacre de longs développements en plusieurs de ses ouvrages ultérieurs.

L’examen qu’il fait de ce problème se trouve tout naturellement subdivisé en deux critiques partielles et successives. En premier lieu, les arguments donnés par Aristote, par Avicenne et par leurs disciples, en faveur de l’éternité du monde, sont-ils des arguments convaincants ? En second lieu, les preuves que le monde n’est pas éternel, proposées par les théologiens, entraînent-elles certitude ? De ces deux critiques, la première seule peut trouver place dans les écrits purement philosophiques comme les commentaires au De generatione et à la Physique ; mais la seconde vient se joindre à la première au cours des questions sur le second livre des Sentences.

C’est à la fin du commentaire au second livre Sur la génération que Gilles se heurte, pour la première fois, à la doctrine d’Aristote touchant l’éternité du monde. 11 vient d’exposer cette théorie, que le Philosophe soutient avec toute l’Antiquité païenne : De même qu’elles n’ont point eu de commencement, la génération et la corruption des êtres sublunaires n’auront point de fin ; elles sont, en effet, commandées par les circulations célestes qui, éternellement, se répètent identiques à elles-mêmes ; la génération et la corruption, donc, alternent suivant un cycle qui recommence périodiquement et indéfiniment.

« Il faut remarquer, dit Gilles à ce sujet 1, que le Philosophe s’est appuyé à deux propositions qui ne sont pas absolument vraies ; c’est en les prenant pour hypothèses qu’il a démontré que la génération ne pouvait avoir ni commencement ni fin.

» La première proposition est celle-ci : Une chose ne saurait acquérir une disposition qu’elle n’avait pas auparavant, si ce n’est par reflet d’un mouvement précédent. Or le mouvement, considéré en son universalité, ne peut être innové, étant donné que toute innovation résulte d’un mouvement précédent. En effet, si le mouvement universel avait pu commencer et être nouveau, il eût fallu qu’eu l’univers, avant tout mouvement, il y eût un mouvement, ce qui est contradictoire. Il y a donc un mouvement éternel ; c’est le mouvement du ciel. Mais si le mouvement du ciel n’a pas eu de commencement, la génération et la corruption, qui sont les effets de ce mouvement, n’ont jamais commencé…

» La seconde proposition à laquelle Aristote s’est appuyé est i.

1. Ægidii Romani In libros de generatione et corruptione Aristotelis commentaria, lib. II, circafinem ; éd. cit., fol. 5o, recto et verso, et fol. 5i, recto.