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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

ties de la matière sont autres que les parties de la quantité ; or c’est proprement grâce à T extension que se fait cette subdivision ; l’extension de la matière est donc autre que l’extension de la quantité.

» Il faut, toutefois, remarquer ce qui suit : Bien que la matière tienne d’autrui son extension, la matière considérée comme étendue ne représente pas une réalité autre, ni une forme autre, ni une essence autre que la matière ; la quantité, en effet, confère par elle-même l’extension à la matière, car la forme perfectionne la matière par elle-même et non pas à l’aide de quelque intermédiaire. Donc, par cela même que la quantité est, de soi, étendue, et que la matière est en puissance de devenir étendue, aussitôt que la matière est conjointe à la quantité, que la puis sauce est conjointe à l’acte, la quantité, par elle-même, confère l’extension à la matière, et la matière, par elle-même, reçoit passivement 1’extension… Ainsi donc la matière qui se trouve ainsi étendue et organisée d’une manière passive ne représente pas quelque chose d’autre que la matière ; mais elle représente une certaine manière d’être que possède la matière : elle représente cette matière comme soumise à la quantité. »

Jusqu’ici, la description que Gilles a donné de cette forme qu’il nomme quantitas, qu’il suppose directement appliquée à la matière première à laquelle elle confère l’étendue, semble calquée sur la définition qu’Avicenne donnait de la corporeitas, Mais voici que renseignement du philosophe chrétien va s’écarter grandement de la doctrine du philosophe arabe ; de la quantité directement unie à la matière première, il fait une forme accidentelle, analogue en tout point à la gravité, à la rareté et aux autres accidents du même genre :

« Disons donc que l’extension passive de la matière n’est pas une autre chose distincte de la matière, bien qu elle provienne d’une autre chose, savoir de la quantité inhérente à cette matière ; et ce que nous disons de la quantité, il le faut entendre de la qualité et de toutes les autres [formes] inhérentes à la matière ; eu effet, si la matière est étendue passivement par la quantité, elle est affectée passivement par la gravité, passivement disposée par la rareté et par les autres accidents qui lui sont inhérents. »

C’est à cette matière déjà disposée d’une certaine façon par la quantité, par la gravité, par la rareté, par les autres formes accidentelles qui lui sont directement inhérentes, et non pas à la matière première toute nue, que la forme substantielle vient s’unir : « Si donc la forme substantielle vient perfectionner la