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GILLES DE ROME

l’eût fait fleuri de Gand, qu’il y a, entre les formes, « des degrés qui sont réels dans une certaine mesure » ; que « les formes se contiennent les unes les autres de telle manière que la forme plus parfaite contienne la forme plus imparfaite » ; ainsi sont « réservées » l’une dans l’autre la forme de l’élément, celle du mixte, puis la forme végétative, enfin la forme sensitive ; que « ces degrés n’existent pas seulement selon la raison, de telle manière que l’intelligence les produise comme elle met un ordre et une gradation entre le genre et l’espèce » ; mais que la nature même produit cet ordre des formes, que ces degrés sont naturels et réels et, partant, qu’il en faut tenir compte dans les définitions de la Physique. »

Tout en admettant que ces degrés sont, d’une certaine manière, naturels et réels, Gilles ne va pas jusqu’à prétendre qu’ils constituent, en une même substance, autant de formes substantielles distinctes ; il a clairement affirmé qu’en tout composé substantiel, sauf l’homme, il n’existait pas plus d’une forme substantielle ; s’il considère donc, en une substance unique, la forme du degré le plus élevé comme contenant les formes de degré moindre, il entend seulement parler d’une contenance virtuelle, semblable à ont définie Saint Thomas d’Aquin et Henri de Gand ; rien donc, en ce que nous venons de lire jusqu’ici, qui ne s’accorde avec les enseignements de l’un de ces théologiens comme de l’autre.

Il n’en est plus de même des considérations que Gilles développe lorsqu’il prétend expliquer pourquoi l’âme est nommée forme du corps organisé et non pas forme de la matière. Ce qu’il dit à ce sujet1 nous paraît contredire non seulement à l’enseignement de Thomas ou d’Henri, mais encore à toute la tradition péripatéticienne.

La matière première est étendue en puissance ; elle devient étendue d’une manière actuelle par l’union avec une certaine forme, la quantité (quantitas) qui possède, elle, l’étendue en acte ; telle est la première partie de la théorie de Gilles de Rome ; voici comment il la développe :

« Bien que la matière ne soit étendue que par la quantité, cependant, elle est véritablement étendue. Autre est l’extension de la matière, autre est l’extension de la quantité ; cela est évident ; que l’on divise, en effet, la matière quantifiée ; de même que la matière est autre chose que la quantité, de même les par- i.

1. Gilles de Rome, loc. cit., dubium 4um> éd. cit., fol. a5, coll. b et c.