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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

parti favori de Bacon ? Il n’est guère vraisemblable que cette intelligence primesautière et si peu systématique ait jamais pu adhérer si fermement à une école déterminée au point d’en adopter toutes les thèses. Peut-on penser qu’il eût voulu tenir en toutes choses pour Henri de Garni ou, en toutes choses, pour Godefroid de Fontaines, celui dont la pensée bouillonnante roule pcle-inêle « les germes[1] des deux écoles rivales du Moyen-Âge finissant, du Réalisme poussé à l’extrême de Scot comme du Nominalisme d’Oecam ? »

Le Compendium studii Theologiæ renferme tel passage qui conduirait à classer Bacon parmi les disciples enthousiastes de Godefroid ; il contient telle autre doctrine que ce théologien eut combattue de toutes ses forces.

L’impossibilité de séparer l’essence de l’existence est affirmée par Bacon avec une force que n’ont atteinte ni l’enseignement de Siger de Brabant, ni celui de Godefroid de Fontaines : « L’essence passée, dit-il[2], n’est pas une essence, non plus qu’une essence morte [n’est une essence] ni qu’un homme mortin’est un homme . L’essence future n’est pas davantage une essence, non plus que l’essence en puissance ou l’être en puissance. Tout cela, en effet, 11’est essence que sous un certain rapport (secundum quid), et, par conséquent, ne représente pas une essence pure et simple (simpliciter). Seule l’essence qui est présente sous l’existence actuelle est essence ; si donc, le nom désigne l’essence, il désigne une chose qui est présente sous l’existence actuelle.

» On chicane à ce sujet en disant ; Le nom désigne une chose considérée en son être essentiel (esse essentiæ), qui n’est pas l’existence actuelle, mais qui est commun au passé, au présent et au futur. À l’égard de cette existence essentielle, il faut procéder comme nous l’avons fait à l’égard de l’essence ; il faut demander si l’objet qui se trouve sous cet être essentiel est quelque chose ou s’il n’est rien ; si l’objet qui se trouve sous cet être essentiel est passé, il n est rien ; s’il est futur, il n’est rien non plus ; il ne sera donc quelque chose que s’il est présent sous l’existence actuelle. Il est clair qu’on ne donne point de nom à un enfant s’il n’est sous l’existence actuelle. Il est clair aussi que l’existence actuelle doit être la même chose que l’essence, comme certains l’accordent, ou être une passion propre de l’essence, comme d’autres le pensent ;

1. Frathis Rogeri Bacon, Compendium studii Théologiæ. Edidit H. Rashdall uua cum appendice de operibus Rogeri Bacon édita per A. G. Little. Aberdonïæ, MCMXI. Introduction (by II. Rashdall), p* 22.

2, Bacon, Op. iaud., Pars 1, cap. IV, pp, 54-55.

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