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GODEFROID DE FONTAINES

le propos suivant : Celui qui veut soutenir l’existence, en l’homme, d’une seule forme substantielle et les propositions qui ont rapport à celle-là, n’est pas tenu, en ces questions, d’ajouter foi à l’autorité du pape, ni de Saint Grégoire, ni’de Saint Augustin, ni de semblables docteurs, ni de quelque maître que ce soit ; l’autorité de la Bible et la contrainte de la raison lui suffisent. Valens, il est vrai, avait affirmé à Godefroid lui-même qu’il n’avait jamais dit ni pensé pareille chose. « Je ne crois pas, ajoute Godefroid, qu’aucun fidèle oserait aujourd’hui tenir semblable langage. »

Fort justement, Godefroid remarque[1] que « la question de l’unité de la forme substantielle en toute substance est une question philosophique. Mais en la restreignant à l’homme et, particulièrement, au Christ, on la réduit à être une question de foi. Il semble, en effet, à certaines personnes que la supposition « l’une forme substantielle unique dans le Christ contredit à la foi, tandis que c’est le contraire qui, à d’autres, paraît vrai…

» À ce sujet, donc, je n’ai jamais rien dit d’une manière définitive et arrêtée ; je n’ai pas affirmé que l’une des deux thèses fût fausse et impossible et que la thèse contraire fût véritable et nécessaire. Ce que j’ai dit, c’est seulement ceci : La thèse selon laquelle il n’y a en l’homme, comme en tout être composé de matière et de forme, qu’une seule forme substantielle, est une thèse que l’on peut soutenir comme probable ; les raisons en faveur du parti contraire sont susceptibles de solutions probables… Les raisons très puissantes et très efficaces en vertu desquelles certaines personnes ne mettent, en du feu ou dans une pierre, qu’une seule forme substantielle, ne me paraissent pas avoir moins d’efficace pour l’homme que pour tout autre composé. De même, donc, que je n’ai pas affirmé qu’il y eût, en l’homme, une seule forme substantielle, de même je n’affirme pas qu’il y ait, dans les autres composés, une seule forme substantielle ; je ne vois pas, en effet, pourquoi les dites raisons n’auraient pas même été efficaces à l’égard de toutes les substances. »

Il est clair qu’en écrivant ce passage, Godefroid songeait à Henri de Gand ; après avoir démontré qu’on ne peut trouver, on un individu quelconque, plus d’une forme substantielle, Henri faisait exception pour l’homme et pour l’homme seul ; Godefroid l’accuse d’inconséquence.

Beaucoup de maîtres, à Paris, étaient sans doute, en ce point,

  1. Godefroid de Fontaines, loc. cit., p. 197.