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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

d’aucune façon, il n’y a acte, il ne se peut, d’aucune façon, rencontrer quelque chose de plus ou moins actuel.

» Que l’on n’aille pas dire : Ce qui établit des distinctions en la matière, ce sont certains rapports ; ce sont les relations qu’a cette matière ou puissance à l’égard des formes diverses qu’elle peut recevoir. Ces rapports, en effet, n’ajoutent rien de réel à l’essence de la matière ; la matière ne peut donc se trouver ainsi subdivisée en matières distinctes par ces rapports. » ’

La conclusion s’impose donc : partout où il y a matière première, cette matière est la même. Ceux qui mettent une matière véritable non seulement dans les substances soumises à la génération et à la corruption, mais encore dans les orbes célestes, voire dans les créatures angéliques, se leurrent donc grossièrement lorsqu’ils veulent ensuite distinguer l’une de l’autre et hiérarchiser entre clics la matière inférieure, la matière céleste et la matière angélique.


E. L’unité de la forme substantielle.


Jusqu ici, nous avons vu Godefroid de Fontaines très exactement fidèle à la philosophie péripatéticienne et averroïste ; sa pensée suit l’enseignement du Philosophe et du Commentateur de plus près que ne 1 avait fait celle même de Siger de Brabant. Mais, d’autre part, notre théologien ne veut aucunement s’écarter de la doctrine catholique la plus orthodoxe : il est prêt à renoncer à l’opinion d’Aristote si le dogme chrétien l’exige ; mais avant de céder à ces exigences dogmatiques, il veut avoir l’assurance qu’elles sont péremptoires et dûment autorisées ; parce qu’il plaît à tel docteur en théologie de déclarer que telle proposition est erronée, il ne se croit pas tenu de s’incliner devant ce jugement ; nous l’avons entendu dénier à un prélat, fût-il archevêque de Cantorbéry, le droit de décider à lui seul qu’une thèse est hérétique.

Il sait, d’ailleurs, dans les questions controversées, se garder des affirmations tranchantes, entourer son opinion des précautions nécessaires ; il sait aussi soumettre son jugement à celui des autorités légitimes. En la frondeuse et turbulente Université de Paris, tous les maîtres ne gardaient peut-être pas, à ce moment, la même déférence et la même circonspection. Godefroid nous apprend[1] qu’on attribuait à un certain Valens, clerc et maître,

1. Godefroid de Fontaines, Op. laud. Quodlib. III, quæst. V : Utrum dicere quod corpus Christî mortuum et alterius hominis morluum fuerit corpus æquivoce sit erroneuin. Ed. cit., p. 19S.

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