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GODEFROID DE FONTAINES

Rome ; ce que ces deux thèses affirmaient, c’est l’existence d’une véritable matière en la substance céleste ; pour prouver, donc, que les anges n’ont pas, à proprement parler, de matière, Godefroid est amené à démontrer que les orbes célestes n’en ont pas davantage.

C’est d’une manière très explicite que Godefroid lie ainsi l’un à l’autre le sort de la matière céleste et le sort de la matière angélique, car il conclut en ces termes[1] :

« Le Commentateur a vu que la matière des êtres soumis à la génération est le seul genre de matière qui soit vraiment puissance à l’existence, car cette matière est une puissance de contradictoires, une puissance d’être et de non-être ; il a vu également que le ciel était en puissance de mouvement ou de situation ; il a donc dit que le ciel ne possédait pas véritablement une matière, mais qu’il était un sujet simple.

». Dès lors, il est également vrai, selon [les principes de] ce même Commentateur, qu’il n’y a pas vraiment de matière en un ange ; il y a seulement en eux cette autre puissance qu’il nomme, lui aussi, une sorte de matière, mais en employant ce terme d’une manière fort équivoque. Il est donc vrai qu’un ange est en puissance des susdits accidents, qu’il est sujet au changement, qu’il n’est donc point entièrement exempt de quelque chose qui joue le rôle de matière ; mais il n’est pas en puissance de l’existence pure et simple (ad esse simpliciter) ; partant, il ne possède pas vraiment de matière. »

C’est d’une façon très logique, semble-t-il, et très conforme aux principes du Péripatétisme, que Richard de Middleton et Godefroid de Fontaines ont comparé l’une à l’autre la matière céleste et la matière angélique, celui-là pour les admettre l’une et l’autre, celui-ci pour les rejeter toutes deux.

En niant qu’il y ait une véritable matière non seulement en la substance angélique, mais encore en la substance céleste, Godefroid a repris en toute sa pureté la tradition de l’auteur du Sermo de substantia orbis, tradition dont Thomas d’Aquin avait commencé à dévier, dont Henri de Gand et Richard de Middleton s’étaient écartés plus encore. À ce sujet, il s’est montré fidèle averroïste.

  1. Godefroid de Fontaines, loc. cit., p. 185.