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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

tandis que Richard y avait consenti ; c’est au maitre et non point au disciple que Godefroid donne ici raison.

Comment donc répondrons-nous à la question dont le sens précis vient d’être déterminé ? En invoquant ce principe 1 : « C’est la transformation qui fait connaître la matière, Là donc où se rencontre seulement une transformation qui porte sur quelque accident, il faut admettre la matière qui convient à ce genre de transformations, et qui est un sujet déjà en acte. Mais là où il n’y a pas de transformation qui porte sur la substance, il n’y a pas non plus de [véritable] matière qui soit en puissance de devenir substance.

» Dire, en effet, qu en certains êtres, il y a une véritable matière et que, cependant, ces êtres ne peuvent changer de forme, parce que l’appétit que cette matière éprouve pour la forme est totalement assouvi, soit à cause de la perfection de cette forme qui contient virtuellement en elle toutes les autres formes, soit à cause de la détermination reçue par la matière, détermination qui la destine à cette forme-là et exclut tout désir d’une autre forme, dire ces choses, cela semble déraisonnable. Il est, en effet, du rôle de la puissance pure de désirer toute forme qui est apte à lui apporter une perfection, de quelque nature qu elle soit. Elle a beau exister sous une forme plus parfaite, dès là néanmoins qu’elle pourrait être perfectionnée par une forme moins parfaite, elle désire cotte forme-là à la manière dont ce qui est vil [désire ce qui est beau], car à l’égard même de cette forme imparfaite, elle est vile et informe. »

Quelles sont les théories réfutées par Godefroid en ; ce’’passage ? Il nous est aisé de les reconnaître.

Nous avons entendu Saint Thomas d’Aquin déclarer que le ciel avait vraiment une matière, mais que cette matière ne désirait point changer de forme, car elle était pourvue d’une forme parfaite.

D’autre part, nous entendrons Gilles de Rome affirmer que la matière véritable qui existe en la substance céleste ne peut changer de forme parce que la forme à laquelle elle est unie ne comporte pas de contraire ; cette théorie, Gilles la soutenait déjà en son opuscule De materia cæli dont la rédaction a certainement précédé la troisième discussion quodlibétique de Godefroid de Fontaines.

Ce que Godefroid réfute au passage que nous venons de lire, c’est donc une thèse de Thomas d’Aquin et une thèse de Gilles de

1. Goodfroid de Fontaines, Mc, p. 184,