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GODEFROID DE FONTAINES


C. La matière des anges et la matière du ciel.


Aristote avait très nettement affirmé qu’en une chose, autant ou peut distinguer de formes superposées les unes aux autres, autant on peut discerner de matières. La matière première est en puissance de la forme substantielle ; mais la substance, composée par l’union de la matière première et de la forme substantielle et, partant, déjà en acte, est encore en puissance d’autres formes, de formes accidentelles, et, à l’égard de chacune de ces formes, elle se comporte à la façon d’une matière.

Godefroid de Fontaines adopte cette opinion[1] ; il veut seulement qu’on réserve le nom de matière à la matière première, à celle qui est en puissance de la forme substantielle ; ce «pii, déjà en acte par une première forme, n’est plus en puissance que d’une forme accidentelle, il ne le nomme pas matière, mais sujet : « Il y a une puissance absolue, qui ne possède aucun acte et qui est en puissance de l’existence pure et simple ; cela, on le nomme matière première, hyle, et aussi sujet. Il y a aussi une puissance qui n’est pas absolue, mais relative ; elle possède déjà un certain acte et elle est en puissance de quelque autre acte ; cela, on ne l’appelle pas proprement matière, mais seulement sujet.

» Comme on peut trouver dans un ange des actes accidentels, il va de soi que, dans un ange, il y a de la puissance ; mais cette puissance n’y joue pas le rôle d’une matière, car c’est la substance même de l’ange, pourvue de l’existence substantielle en acte, qui est le sujet des opérations d’intelligence et de volonté par lesquelles l’ange se perfectionne.

» Le ciel, lui aussi, est en puissance de mouvement ou de situation ; il est donc, à l’égard des propriétés de ce genre, une sorte de sujet.

» Mais la substance même de l’ange qui est ainsi une puissance et un sujet, est-elle, en elle-même, composée d’une véritable matière et d’une véritable forme, voilà quelle est la question. »

Henri de Gand et Richard de Middleton avaient tous deux distingué, en la substance d’un ange, une puissance à acquérir de nouvelles connaissances ou à se déterminer à de nouveaux vouloirs ; cette puissance, Henri avait refusé de la nommer matière

1. Godefroid de Fontaines, Op. laud. ; Quodlib. III, quæst. III ; Utrum natura angelica sit composita ex vera materia et vera forma ; éd. cit., p. 182.

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