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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

existence actuelle ; il se peut aussi que nous concevions cet être comme un être qui aura, dans l’avenir, cette existence actuelle ; dans ce cas, nous le concevons comme possible, nous lui attribuons non pas l’existence actuelle, mais une existence virtuelle, qu’il a au sein des causes qui le pourront réaliser en acte. « Sous le nom de rose[1], nous pouvons comprendre quelque chose qui est apte à exister d’une manière actuelle en la nature réelle, parce que nous concevons que cotte rose existe déjà eu la vertu et en la puissance de scs principes. »

Qu’une chose soit en acte ou qu une chose soit en puissance, U existence de cette chose n’en est pas moins liée à l’essence par un lien indissoluble. Seulement, si la chose est en acte, son essence et son existence sont, toutes deux, actuelles ; si la chose est en puissance, son essence et son existence sont, toutes deux, potentielles[2]. Lorsqu’une chose est créée, elle passe tout entière de la puissance à l’acte, par son essence aussi bien que par son existence ; l’essence potentielle devient essence actuelle en même temps que l’existence potentielle devient existence actuelle.

Que deviennent donc les doctrines qui veulent établir, entre l’essence et l’existence produites par l’acte créateur, une certaine succession, non point dans le temps, sans doute, mais scion l’ordre de nature ?

Une de ces doctrines[3] — nous savons qu’elle est celle d’Henri de Gand — dit : « Ce qui émane en premier du Créateur, c’est cela qui est créé en premier lieu ; or cela, c’est l’existence. » Une autre, plus vraisemblable, est celle d’Avicenne et de Thomas d’Aquin : Bien que l’essence ne puisse être créée sans L’existe u ce, i essence, toutefois, dans l’ordre d’origine, précède l’existence.

Les discussions qui peuvent s’élever entre les tenants de ces diverses opinions semblent vaines à Godefroid de Fontaines. « Puisqu’en réalité, l’essence et l’existence sont absolument la même chose, il n’v a là aucune priorité, aucun ordre réel ; tout au plus y a-t-il un ordre pour la raison ou pour le langage Iniothts significandi} ». Godefroid, d’ailleurs, décoche à Henri cette flèche du Partbe : « Meme si l’on admettait, entre l’essence et l’existence, une différence d intention, l’essence serait créée avant l’existence. » i. * 3

i. Godefroid de Fontaines, Zoc. cif.. p. 64* a. Godefroid de Fontaines, Op.laad.’, Quodlib. III, quæsl.l ; éd. cit., p. 172. 3. Godefroid de Fontaines, Op. laud.’, Ijuodlib. III, quæst. II ; éd. cil.,

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