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GODEFROID DE FONTAINES

une diversité réelle, soit une diversité d’intention. La nécessité convaincante de cette raison-là une fois écartée, il se trouve qu’on a résolu, semble-t-il, toutes les autres raisons invoquées en faveur de ce parti ou, du moins, les plus difficiles d’entre elles. »

« Lorsqu’on dit : L’existence ne diffère pas réellement de l’essence, mais elle en diffère intentionnellement[1], cela est sans valeur… Il nous faut affirmer que l’essence ne peut être conçue comme privée de l’existence réelle, à moins d’être conçue, en même temps, comme privée de l’existence essentielle… Tout ce que l’on conçoit touchant l’essence, on le conçoit aussi touchant l’existence. »

« Il est donc évident[2] … que le mot existence signifie exactement la même chose que le mot essence. Patet igitur… quod esse dicit id idem quod essentia. »

« Délaissons donc[3] toute façon de parler de l essence qui implique, entre l’essence et l’existence, une différence réelle ou une différence d’intention. Selon ce qui a été dit précédemment, tenons que l’essence et l’existence sont même chose (id idem su/il), en sorte que tout ce qui se conçoit de l’essence se conçoit en même temps de l’existence. Lors donc que l’on pose qu’une chose n’a pas l’existence, on la pose comme un pur non-être (cum ponitur res non existens, ponitur simplicité ? non ens) ; on ne peut même plus dire qu’elle est un être par son existence essentielle. »

On ne peut, même en l’Intelligence, séparer l’essence de l’existence ; on ne peut concevoir le chien sans concevoir un chien concret et individuel qui existe en un certain temps déterminé. « S’il n’y a pas de phénix présentement existant[4], cette proposition : Le phénix est un animal, ne saurait être vraie, à moins qu’on ne la complétât ainsi : le phénix est un animal passé, ou bien : le phénix est un animal futur ou en puissance, car phénix est le nom d’un animal qui appartient à un certain temps bien déterminé, ou qui possède l’existence actuelle en un temps bien déterminé. » C’est exactement le langage que tenait Siger de Brabant ; Godefroid va en atténuer quelque peu la rigueur ; plus tard, Gilles de Borne renforcera encore l’efficace de cette atténuation.

L’être que nous concevons, en qui l’essence cl 1 existence sont indissolublement liées, peut avoir une existence actuelle dans le temps présent, — ou bien il peut avoir possédé dans le passé cette

1. Godefroid de Fontaines, loc. cit., p. 171.

2. Godefroid de Fontaines, loc. cit., p. 166.

3. Godefroid de Fontaines, loc. cit., p. 177.

4. Godefroid de Fontaines, Op. laud., Quodlib. II, quast. II, p. 66.

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