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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

Henri de Gand, en ses discussions quodlibétiques, revenait sans cesse à la théorie de l’essence et de l’existence ; cette théorie en effet, formait comme le pivot de sa philosophie. Contradicteur d’Henri, Godefroid de Fontaines ne peut guère donner moins de place au problème de l’essence et de l’existence ; en ses quatre premiers quodlibets, il y consacre trois questions, dont deux sont fort longues[1].

Selon Henri de Gand, l’essence est, en la réalité, forcément unie à l’existence ou bien forcément unie à la non existence, selon que la chose dont elle est l’essence existe ou n’existe pas ; mais en l’esprit qui la conçoit, l’essence n’est plus forcément liée ni à l’existence ni à la non-existence ; elle est indifférente à l’existence ou à la non-existence ; la manière d’être qui lui est propre, Fasse es’seniia ?, qui est une existence conceptuelle, est indépendante de l’existence réelle, de l’e.we existenliæ, de la chose dont elle est l’essence ; lors même qu’aucun chien n’existerait, nous pourrions concevoir l’essence du chien, raisonner sur cette essence, affirmer (pie le chien est un être animé (canis est animal, nullo cane existante), car l’essence du chien n’en aurait pas moins le mode d’existence qui lui est propre, l’esse essenliæ, l’existence, sous forme de concept, en notre esprit.

Réduite à cette affirmation, la théorie d’Henri de Gand se confond avec celle de Saint Thomas d’Aquin. Déjà, elle avait remontré un rude adversaire en Siger de Brabant ; au dire de ce maître, l’essence ne peut, même par la pensée être séparée de l’existence, en sorte que s’il n’existait aucun homme, on ne pourrait pas dire : T homme est un être animé (homo est animal, nullo homine existent e).

Cette thèse de Siger de Brabant, également contraire à l’enseignement d’Henri de Gand et à celui de Thomas d’Aquin, c’est celle que Godefroid de Fontaines va reprendre ; laissant de côté les raisons de Thomas, il va, pour la défendre, s’en prendre aux arguments d’Henri et de son disciple Richard de Middleton.

C’est, d’abord, la théorie d’Henri de Gand qui est exposée[2]. Selon cette théorie, la créature peut être comparée à Dieu de

1. Godefroid de Fontaines Op, laud. Quodlib, II, quæst, H : Utrum essentia creaturæ sit aliquid iodiffereos ad esse et non esse. Quodlib. III, quæst. 1 : Utrum creatura possit dici eus ratione suæ essentiæ, cum ipsa est non ens quantum ad esse existeutiæ. Quodlib. III » quæst. II : Utrum prius creator esseutia quam esse. De ces deux dernières questions^ comme de tous les quodlibets de Godefroid, à partir du troisième, on possède non seulement une ret/ûc/à) Zo/it/a, mais encore un e/Bfome ou redacZ/o ôrer/s.

2. Godefroid de Fontaines, Zaud., Quodlib. H, qtiæsL II ; éd. cit., pp. 55-56.

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