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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

n’a pas complètement le caractère de substance ni celui de corps ». L’âme rationnelle termine ce quelque chose, « eu sorte que l’âme rationnelle ne constitue pas seulement l’homme en tant qu’homme, mais aussi en tant que substance complète, que corps complet, et ainsi de suite… De même que de la matière première et de la forme élémentaire se compose quelque chose qui est essentiellement un, et cela bien que la matière première possède déjà une certaine actualité non déterminée, de même, la matière prochaine [de l’homme], celle qui est appropriée à recevoir la forme intellectuelle, donnera, avec cette forme intellectuelle, un composé essentiellement un, en dépit de l’actualité incomplète et non déterminée qu’elle possède. »

À la mort de 1’homme, la forme intellectuelle, l’âme raisonnable quitte le corps ; mais la forme produite par génération v demeure, assurant, par sa persistance, l’unité numérique du cadavre et du corps vivant ; cette chair morte est une chair incomplète, incapable d’accomplir toutes les fondions de la chair vivante, mais capable encore déjouer, dans une certaine mesure, le rôle de chair ; entre le corps mort et le corps vivant, il n’y a pas simple homonymie ; il y a analogie.

« S’il n’v avait pas, en l’homme, d’autre forme que la forme intellectuelle, lorsque la forme intellectuelle, au moment de la mort, a été séparée du corps de Notre Seigneur Jésus-Christ, la matière de ce corps n’aurait pas gardé une corporéité numériquement identique à celle qu’elle possédait auparavant : ainsi le corps qui a été déposé dans le sépulcre ne serait point numériquement ce même corps que Notre Seigneur Jésus-Christ possédait durant sa vie, ce qui est une erreur. » Foute cette théorie de la double forme substantielle de l’homme nous montre, en Richard de Middleton le très fidèle disciple d’Henri de Gand.

II

Godefroid de Fontaines

Si Richard de Middleton, en toutes ses thèses importantes, s’accorde presque exactement avec Henri de Gand, celui-ci pouvait, de son vivant, et en i Université même de Paris, s’entendre contredire sur tout, et de point en point ; de ses contradicteurs, le