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RICHARD DE MIDDLETON

il n’y a, hors de l’esprit qui les conçoit, ni forme ni matière de l’espèce, ni forme ni matière du genre. Nous venons de l’entendre dire de la forme ; Richard va le répéter de la matière[1].

» La matière n’existe dans le genre non plus que dans l’espèce, sinon par abstraction (reductio) ; c’est-à-dire qu’elle y est en tant qu’elle est une partie de chacune des choses réelles qui sont comprises dans le genre ou dans l’espèce ; en tant qu’elle est la matière générique de toutes les choses qui sont comprises dans le genre, elle est génériquement une ; en tant quelle ostia matière de toutes les choses qui sont comprises dans l’espèce, elle est spécifiquement une… Mais elle ne doit être dite numériquement une qu’à partir du moment où on la conçoit sous la forme individuelle ; de même, en effet, qu’elle n’est matière générique ou matière spécifique que par abstraction (reductio), de même elle n’est numériquement une que par abstraction, c’est-à-dire entant qu’elle est en un composé qui possède l’unité numérique, » Assurément, nous voici bien loin de la doctrine réaliste d’Avicébron.

Il ne faudrait pas croire, cependant, qu’en la théorie de l’unité de la forme substantielle, Richard de Middleton pousse aussi loin que Saint Thomas, ni même qu’llenri de Gand. Déjà, lorsqu’il ne s’agit plus d’un élément, mais d’un mixte[2], il demeure en suspens entre deux affirmations contraires. L’une, qui est celle d’Aristote, prétend que les formes des éléments ont cessé d’exister au sein du mixte, où subsiste une seule forme substantielle. L’autre admet que les formes substantielles des éléments persistent au sein du mixte, mais qu elles y ont une existence incomplète et inachevée qui trouve son complément en la forme substantielle du mixte ; cette dernière exprime l’opinion de Saint Bonaventure et de Roger Bacon.

Plus formelle est la doctrine de Richard de Middleton au sujet de l’homme[3]. En l’homme, il y a deux formes substantielles distinctes et coexistantes ; l’une de ces formes est extraite par génération de la puissance de la matière ; l’autre, qui est l’âme raisonnable, est produite par création.

Durant la vie de l’homme, la première forme, unie à la matière, compose une substance inachevée, « quelque chose qui

1. Ricardi de Media Villa Op. laud., lib. II, dist. XII, art. 1, quæst.IX ; éd. cit., t. II, p. 162.

2. Ricardi de Media Villa Op. laud., lib. Il, dist. XV, art. I, quæst. I ; éd. cit. t. II, pp. 174-176.

3. Ricardi de Media Villa Op. laud., lib. H, dist. XVII, art. I, quæst. V ; éd.cit, t. Il, pp. 218-223.

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