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RICHARD DE MIDDLETON

y a aussi substitution d’une actualité infime à une autre actualité infime ; en même temps, donc, que les deux substances se transforment l’une dans l’autre, les deux matières, numériquement distinctes, se transforment aussi l’une en l’autre. Telles sont les idées qui guident Richard lorsqu’il entreprend de répondre à cette question 1 : « La matière de tons les corps corruptibles est-elle numériquement une ? » — « Non, répond-il, il n’y a pas une matière numériquement unique pour tous les corps corruptibles... Les matières qui existent sous des formes diverses sont différentes les unes des autres. Cela est évident si l’on suit l’opinion de ceux qui prétendent que la matière correspond au degré infime d’actualité ; dans ce cas, en effet, bien qu’incomplètes, les matières de composés divers se distinguent par elles-mêmes les unes des autres... Elles sont, d’elles-mêmes, distinctes les unes des autres, mais la distinction qui existe entre elles est du degré le plus bas qui puisse être... Il est donc vrai de dire que les divers corps corruptibles ont une matière qui est numériquement une par voie de succession. Mais ce n’est pas en ce sens (pic nous entendions l’unité de la matière lorsque nous nous demandions si la matière de tous les corps corruptibles est numériquement unique ; ce que nous cherchions, c’est de savoir si tous les corps corruptibles simultanément existants ont une matière (pii soit numériquement la même. »

Si l’enseignement de Richard s’écarte de celui d’Aristote, il diffère bien davantage de celui d’Avicébron ; et cela ne doit pas nous étonner car, en toutes circonstances, le franciscain anglais condamne la méthode du rabbin de Malaga. Avec persistance, il reproche à cette méthode ce qui en est, en effet, le vice essentiel ; il lui reproche de conclure d’une simple distinction logique à l’existence de choses réellement distinctes, d mie analogie purement conçue à l’existence d’un principe physique commun. « A ceux qui tiennent ce langage : Ce que l’on nomme universel, ce n’est rien d’autre que ce qui existe naturellement en plusieurs choses », il répond en ces termes 2 : « On ne doit pas entendre par là que la nature a fait quelque chose qui existe réellement en plusieurs individus numériquement distincts, mais qu elle a fait quelque chose que, par une opération de 1 intelligence, on conçoit de telle manière que la notion ainsi conçue se I R ICA RL’I DE AI EDTA VïLLA Op. fourf.

éd. cit*, t. II, pp. 161-162*

2* Ricardi de Media Villa O/l laud.

éd* cil,, L 1, pp. 188-189.

lib. IJ. dist, XII, r.rt. I, quæst. IX

lib. 1, dist. XIX, art. III, quæst. II ;