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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

part, sont deux choses de même nature[1], dont la seconde est seulement plus parfaite que la première.

« Si l’on entend par matière le fondement primitif de la transmutation naturelle qui reçoit la forme en laquelle consiste sa perfection essentielle, et qui ne se transmue pas en cette forme, je dis, en ce sens, que la matière est de même essence que le composé (de essentia composite). C’est en ce sens qu’emploient le mot matière ceux qui distinguent entre une actualité qui est forme et une actualité qui n’est pas forme ; cette actualité qui n’est pas forme, ils la nomment le plus bas degré d’actualité, le degré indéterminé qui est apte à recevoir toute actualité susceptible de génération et de corruption et à être déterminé par cette dernière actualité ; c’est cette actualité infime qu’ils nomment matière ».

La matière n’est pas pure puissance ; elle est formée par l’union d’une certaine actualité intime avec une pure possibilité, qui n’est pas identique à la matière[2], mais qui est partie de la matière. « C’est ce principe purement possible qui est susceptible de se transmuer en la forme que l’action d’un agent naturel est capable de tirer de la puissance de la matière. C’est ce principe que quelques anciens, par équivoque, désignaient sous le nom de matière, tandis que, sous le nom de forme, ils comprenaient toute actualité, si imparfaite lïit-elle ; mais alors, ils se voyaient contraints de dire que la matière devenait la forme même, car ce principe purement possible se transforme en 1actualité de la forme ».

Donc[3], la matière première des choses susceptibles de génération et de corruption occupe le plus bas degré de l’actualité ; cependant il y a un certain être qui se trouve encore au-dessous d’elle ; cet être ne possède aucune actualité ; c’est l’être purement potentiel, capable d’être transmué en la plus infime des formes... Cet être là ne peut pas exister pour son propre compte ; il ne porte en lui-même aucune actualité qui lui soit propre. Aucun être ne lui peut être inférieur ».

Telle est, au sujet de la matière, la doctrine favorite de Richard de Middleton, celle qu’il oppose sans cesse à la théorie péripatéticienne où la matière est pure puissance ; c’est cotte doctrine, et cette doctrine seule, qui donne un sens à des questions telles

1. Ricardi de Media Villa Op. laud., Lib. Il, Dist. XII, Art. J, quæst. III ; éd» cit,, L 11, pp» i/p-rZ|6.

2. Bicabdi de Media Villa Qp. Za«d., Lib, II* Dist. XII, art, I, quæst. X ; éti* ciL, t. Il, pp. 162-164.

3. Ricardi de Media Villa Quorf/iôe/a ; quodlib* Il, art. I, quæst. V : Utrum Deus posait facere aligna m créa tu ram inferiorem prima materia générabilinm et corruptîbilium. Ed. cit., pp. 40-42.

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