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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

Ces raisonnements, d’ailleurs, font surgir une nouvelle question. Henri de Gand a déclaré que l’existence n’était rien qu’un certain rapport de ressemblance entre l’essence et le Créateur. Si l’on ne veut, point que l’existence soit réellement distincte de l’essence, il faut qu’entre une ressemblance et la chose qui en est le fondement, il n’y ait point, dans la réalité, de distinction. C’est bien ce qu’affirmait Henri, et c’est ce que Richard répète à son tour[1].

Celui-ci, d’ailleurs, n’avait pas attendu le temps de sa première discussion quodlibétique pour admettre, touchant l’essence et l’existence, l’opinion de celui-là. Il la soutenait déjà en ses Questions sur tes Sentences. Peut-on, par exemple, de la thèse d’Henri de Gand, souhaiter résumé plus clair et plus formel que celui-ci[2] :

« L’existence n’ajoute rien à l’essence, si ce n’est une relation entre cette essence et le modèle qu’elle a en la pensée de Dieu. La créature, en effet, a un certain rapport avec ce modèle aussi bien lorsqu’elle est faite, que lorsqu’elle n’est point encore faite, mais seulement faisable ; toutefois, le rapport n’est pas, en ces deux cas, de même sorte. La créature faite a, avec son modèle, un rapport réel ; la créature qui est non point faite, mais seulement faisable, n’est point, d’une manière actuelle, en rapport avec son modèle ; elle n’a avec lui qu’un rapport de raison. Car les créatures, avant d’ètre faites, n’avaient point d’autre existence qu’une existence conceptuelle, qui n’est point une existence réelle et en acte, mais seulement une existence de raison. Puis doue que l’existence exprime quelque chose de réel, elle ne convient pas aux créatures qui ne sont point encore faites et sont seulement faisables ».

Nous devons désormais nous attendre à trouver très souvent, en Richard de Middlcton, un disciple d’Henri de Gand ; la théorie développée par le Maitre franciscain au sujet de la matière va, en mainte occasion, justifier cette prévision.

Au sujet de la matière angélique, Richard ne suit pas Avicébron au delà de l’affirmation que cette matière existe ; en ce qu’il dit[3] pour établir que cette matière n’est pas de même genre

1. Ricardi de Media Villa Quodlibeta ; quodlîb. I, art. II, quæst. Di (marquée quæst. IX) : Utrum relalio realiter idem siit cum sno fundamento. Ed. cit,. pp. 14-iS.

2. Ricardi de Media Villa Quirstiones in libros Sentent îarum ; Ht. III, dist. VI, art. il, quæst. II ; Utrum in Christo suit duo esse. Ed. cil, , t. III, p. 62.

3. Ricardi de Media Villa Op. laud., Lib. Il, Disl. III, art. II, quæst. 1 ; éd. cil., t. li, pp. 4g-5o.

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