Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/251

Cette page n’a pas encore été corrigée
241
RICHARD DE MIDDLETON

Aristote n’eût point tenu ce langage ; les seules intelligences dont il reconnut l’existence, en effet, étaient nécessaires et immuables ; on ne pouvait rencontrer en elles ce changement qui constitue une détermination volontaire. Si le Stagirite eût conçu des intelligences capables d’un tel changement, il eût été naturellement conduit à leur attribuer une matière adaptée au mouvement de la volonté comme il a attribué aux orbes une matière apte au mouvement local. La raison, par laquelle Richard de Middleton a mis une matière en la substance angélique, est donc très conforme aux principes du Péripatétisme.

Cette raison, nous avons entendu Henri de Gand l’exposer et la rejeter ; les deux maîtres combattent donc ici en des camps opposés.

Il n’en est pas toujours ainsi, et, le plus souvent, c’est sous la bannière du théologien de Gand que se range très fidèlement le théologien de Middleton. Nous allons le constater tout d’abord en rapportant ce qu’enseignait ce dernier touchant la distinction de l’essence et de l’existence.

En son premier quodlibet, il est amené à discuter cette question[1] : L’existence est-elle la même chose que l’essence ? « À cette question, dit-il, je crois devoir répondre, pour le moment, ce qui me vient à l’esprit, et le voici : L’existence actuelle ne signifie pas une chose réelle et absolue qui serait ajoutée à l’essence dont elle est l’existence ; en la réalité, donc, ou bien l’existence est la même chose que l’essence ou bien elle est la même chose qu’une partie de l’essence, quant à ce qu’elle exprime d absolu ; de cette manière, en effet, elle exprime un certain rapport de l’essence au Créateur ; mais cette existence, je ne dis pas qu elle soit la même chose que F essence dont elle est l’existence, si je la considère comme le rapport dont cette essence est le fondement ; car il ne faut point admettre cette proposition : L’essence d’une créature, c’est son existence. »

En dépit d’un style peu châtié, ce passage nous laisse aisément reconnaître que la thèse de Richard est identique à la thèse d’Henri ; et si nous eu pouvions douter, notre doute se trouverait tout aussitôt dissipé par la lecture des raisonnements que le Docteur franciscain développe en faveur de sa solution.

l. Ç/U&d/i&e/a Doc/oris ejDÛniï Ricardi de Media Villa Ordints Minorum,. qWÆsttones conh’ne/itia. Brixiæ, De cansensu superiorum, MDXCL In fine : Brixiæ, apud Vincentium Sabbium, MDXCL Quodlib. I, art » H, quæst. 11 : Utrum esse actualis existentiæ sit idem re cum essenlia, cujus est esse. P. 12.

  1. 1