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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

Le P. Mandon.net a retrouvé[1] et publié[2] les quinze articles sur lesquels Gilles appelait la condamnation d’Albert le Grand, et l’opuscule, intitulé Les quinze problèmes, De quindecim problematibus, où Albert fait connaître ses réponses.

Les articles soumis par Gilles au jugement d’Albert condensaient, pour ainsi dire, les hérésies essentielles de ces philosophes que Guillaume d’Auvergne eût appelé Arisioteles et ejus sequaces. Ils formaient comme la quintessence des propositions recueillies par le De erroribus philosophorum. Dieu ne connaît pas les choses singulières ; il ne connaît rien hors de lui-même. Dieu ne dirige pas les choses humaines par sa Providence ; tout, d’ailleurs, dans le Monde sublunaire, est. soumis à l’action nécessaire des corps célestes. L’homme n’est donc pas libre ; c’est d’une manière nécessaire que sa volonté veut et choisit. Il n’a pas davantage d’intelligence qui lui appartienne en propre ; une seule et unique Intelligence existe pour tous les hommes, en sorte qu’on formule une proposition fausse ou impropre lorsque l’on dit qu’un homme comprend. Le Monde est éternel, ainsi que toutes les espèces qui sont en lui, en sorte qu’il n’v a jamais eu de premier homme. Telles sont les thèses qui, au voisinage de l’an 1270, en l’Université de Paris, trouvaient des défenseurs parmi les maîtres les plus renommés en Philosophie, « articulos quos proponunt magistri in scolis Parisius, qui in Philosophia majores reputantur ».

« Ce qu’ils soutiennent là, répondait Albert le Grand n’est pas seulement faux de l’avis des théologiens ; c’est encore faux selon la Philosophie ; la cause en est en leur ignorance ; beaucoup de Parisiens, en effet, s’adonnent non pas à la Philosophie, mais aux sophismes. »

Albert attribue l’état où se trouvent les esprits, en l’Université de Paris, au discrédit des études proprement philosophiques ; on les délaissait pour s’adonner avec passion à ces exercices de Dialectique qui consistent à composer savamment des sophismata, des impossibilia, et à les résoudre habilement.

Ces exercices, en elfet, étaient de ceux auxquels tout étudiant était tenu de délivrer ; ces statuts élaborés en 1252 par la Nation

1. P. Mandonnet, Op. laud., Première partie, pp. io5-io8. Seconde partie, Introduction, pp» Vll-X.

2. P. Mandonnet, Op, laud., Seconde partie, pp» 27-62»

3. Alberti Magni /Je yanidecûn /ïroWertiah’ôas, 1, ci rca fiuem» P. Mandonnet, O/j. laud., Seconde partie, p» 35.

4. P. Mandonnet, 0/j» laud., Première partie, pp. 123*12/4,

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