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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

en Lui, est un. Par opposition, l’Loin me rapprochera de cette unité cette incompréhensible multiplicité, afin que Dieu la rende

« Tauler écrit encore[1] : « Aussi longtemps que l’hoinme se possède, se sait, sc trouve en Dieu, et qu’il possède Dieu en lui, il ne fait pas encore une seule et même chose avec Dieu. Il possède, en effet, il sait deux choses, Dieu et lui-même. C’est là une sorte de multiplicité, et ce n’est pas encore la parfaite unité. Or, dans l’unité, il n’y a pas de place pour la multiplicité.

» Là seulement est la vraie unité, quand l’homme est totalement entré et fondu dans cet lin, qui est Dieu et qu’on appelle Dieu, toujours présent à nos âmes ; la vraie unité, c’est quand l’homme n’aime rien, ne désire rien, ne fait rien en dehors de lui-même, ni Dieu ni les créatures, mais qu’il est complètement abimé et perdu en Dieu. Dans l’homme parfaitement uni à Dieu, c’est, si je puis parler ainsi, une seule essence, une seule vie, et l’homme, en dehors de Dieu, ne doit rien connaître de quelque nature que ce soit.

» Toutes les créatures tendent, à leur manière, vers cette unité. La multiplicité n’a pas d’autre but que de se réduire à l’unité ; le multiple veut être un. C’est de l’Un que procède, sans intermédiaire, la multiplicité, et toute créature se hâte de retourner à cet un indivisible ; tout son être y aspire, tous ses efforts y convergent. Il est hors de doute que tout amour, toute entreprise, tonte agitation n’a d’autre but que le repos. Or le repos parlait ne se trouve vraiment qu’en Dieu, l’Un simple et indivisible. C’est ainsi que le ilux est en vue du reflux. Notre émanation de Dieu n’a qu’un objet : Nous ramener à Dieu, notre principe et notre source. Et lorsque nous aurons parfaitement, reflué en Dieu, alors ce sera le repos consommé et la tranquilité absolue. Cette paix, ce repos, tous les êtres le désirent naturellement et, pour l’obtenir, ils consument leur vie, tout ce qu’ils sont et tout ce qu’ils ont. Or jamais ils ne pourront obtenir ce repos parfait ailleurs que dans TUn, c’est-à-dire en Dieu bon, puissant, en qui se trouve la plénitude de la paix ».

L’homme doit donc s unir avec Dieu dans une unité telle « qu’il n’y ait plus, en elle, place pour la multiplicité ». Pour atteindre â cette unité, il ne lui suffit pas de délaisser la connaissance des créatures et de parvenir à un état où il ne connaîtrait i

1. Jean Tauler » Premier sermon pour le jour de Pâques {Œuvres de 1 aüler, éd. cil., t, II, pp, 273-274),

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