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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

de pages qu’inspirait la piété chrétienne la plus orthodoxe, et Gerson se plaisait à le reconnaître.

On en peut dire autant des sermons de Tauler ; c’est seulement dans un petit nombre de passages que perce la métaphysique téméraire des Dominicains allemands ; et dans ces passages mêmes, elle se voile au point qu’on la laisserait peut-être passer sans la reconnaître si on ne l’avait vue à visage découvert chez les maîtres dont l’auteur se recommande.

Jean Tauler naquit en Alsace[1], probablement à Strasbourg même, à la fin du xiiie siècle.

Après avoir revêtu la robe de Saint Dominique, il vint étudier à Paris avec son ami Jean de Tambach, qui était de Cologne ; les PP. Quétif et Echard disent que, de leur temps, on conservait encore au couvent de Saint Jacques, à Paris, un livre que les deux jeunes religieux y avaient laissé comme souvenir et qui portait cette inscription : Librum istum contulere Fratres Magister Johannes de Tambacho et Johannes Tauleri de conventu Argentinensi.

Une lettre du P. Venturino de Bergame, adressée en 1336 au P. Egnolse de Strasbourg nous apprend que Tauler était alors dans cette dernière ville. En 1339, nous le trouvons prêchant un carême à Bâle.

Jean Tauler mourut à Strasbourg le 17 mai 1361 ; c’est du moins la date qu’on lisait sur la pierre du tombeau conservé dans 1’ancienne église des Dominicains, dite Temple-Vieux, qui fut incendiée par le bombardement de 1870.

Voilà tout ce que nous savons de certain sur la vie de Tauler ; beaucoup de récits s’y joignent, dont il est difficile de dire s’ils sont véritables ou légendaires ; nous ne nous attarderons pas à les rapporter.

La doctrine de Jean Tauler est toute pénétrée de Néo-platonisme ; comme tous les Dominicains de l’École de Strasbourg, il se plaît à donner à Dieu ce nom d’Un par lequel les Alexandrins le désignaient. Pour décrire cette parfaite unité de Dieu, il retrouve les accents de Plotin et de Denys.

« L’Un ne sort pas de lui-même, dit-il[2] ; il ne connaît rien d’étranger, rien d’e Joigne, rien de rapproché ; il n’a ni longueur ni largeur ; que dis-je ? Cet Un, qui est Dieu même, contient en

1. Œzwres comptes de Jean Tauler… traduites par E. Pierre Noel, O. P., Tome I, 1911. introduction, pp. 2-16.

2. Jean Tauler, Deuxième sermon Ze saenZ jour de Pâques (Œuvres de Tauler, éd. cit., t. Il, 1911, p. 289).

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