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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

Ces trois articles, nous les avons textuellement lus dans le Commentaire sur la Genèse compose par notre auteur.

D’autres sont des corollaires immédiats des doctrines que nous avons rapportées ; tel celui-ci, qui est le vingt-sixième :

« Toutes les créatures sont un pur néant ; je ne dis pas qu’elles soient peu de chose, encore qu’elles soient quelque chose, mais qu’elles sont un par néant. »

Pouvait-il tenir un autre langage, celui qui affirmait qu’il n’y a pas d’existence hors de Dieu, que toute existence est l’existence même de Dieu, est Dieu, et que, hors de Dieu, il n’y a que le néant ?

Si, d’ailleurs, l’existence de chacun de nous est en Dieu, si elle est identique au Verbe de Dieu et à Dieu même, comme nous l’avons entendu affirmer, nous devons regarder comme nécessaires ces articles, qui sont le dixième et le treizième :

« Nous sommes totalement transformés en Dieu et changés en Dieu, de même façon que, dans le sacrement de l’autel, le pain est converti au corps du Christ ; je suis donc à tel point converti en Dieu, que Dieu fait que je sois un avec lui, et non pas simplement que je lui sois semblable ; par le Dieu vivant, il est véritable qu’il n’y a là nulle distinction.

» Tout ce qui est propre à la nature divine, tout cela est également propre à l’homme juste et divin ; aussi cet homme accomplit-il toutes les operations que Dieu accomplit ; avec Dieu, il a créé le ciel et la terre ; avec lui, il engendre le Verbe éternel ; sans cet homme-là, Dieu ne saurait rien faire. Et Deus sine tali homine nesciret quicquam facere. »

En défendant que de pareilles propositions soient enseignées ou prêchées, en proscrivant les livres qui les contenaient, l’Église ne défendait pas seulement l’orthodoxie ; elle se faisait gardienne du bon sens.

IV

Eckehart le Jeune

Parmi les propositions que le pape Jean XXII condamnait comme enseignées par Maître Eckehart, se trouvaient celles-ci, qui sont la onzième, la douzième, la vingtième, la vingt-et-unième et la vingt-deuxième[1] :

  1. H. Denifle, Op. laud., p. 638.