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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

de cause, toutes les choses qui sont au-dessous d’elle ; chaque chose inférieure est, par participation, toutes les choses qui sont au-dessus d’elle ; par, son essence enfin, nulle chose n’est identique à une autre ; chacune d’elles subsiste en elle-même, selon l’univoque raison de son essence propre.

» Si nous voulons parler, par exemple, des Intelligences séparées, chacune d’elles, au gré des Philosophes, est toutes les choses inférieures dont elle est cause. Toutes les choses inférieures à leur tour, sont, par participation, les êtres supérieurs ; causées par ceux-ci, en effet, elles reçoivent en partage toutes les perfections que possèdent leurs causes, mais elles les reçoivent à un moindre degré de noblesse. »

Ainsi devons-nous comprendre les rapports de Dieu, de l’intelligence active et de l’âme humaine. Cause essentielle de l’âme, l’intelligence active est, à ce titre, identique à l’âme, parce que toute cause est dans son effet et est son effet ; produite par l’intelligence active, l’âme a avec elle une identité participée, car tout effet est dans sa cause et est sa cause. Et de même, Dieu est, à titre de cause, l’intelligence active, et l’intelligence active possède, avec Dieu, l’identité par participation.

Ainsi la doctrine de Proclus et du Livre des Causes nous explique comment le tond de notre pensée, Vabditum mentis, identique à l’Intelligence active, est le trait d’union entre notre âme et Dieu.

Thierry en vient maintenant à la difficile et redoutable question : L’Intelligence active est-elle unique et la même pour tous les hommes, ou bien chaque homme possède-t-il son intelligence active particulière ?

Thierry déclare sans ambages[1] « qu’à tout homme singulier correspond une intelligence active singulière, qu’il y en a une pour chacun de nous, que les intelligences actives sont multiples et que leur nombre est égal au nombre des hommes. »

Voilà donc brisée l’analogie parfaite que notre auteur avait respectée jusqu’ici entre les Intelligences motrices des cieux, telles que les Philosophes les avaient définies, et l’intelligence active. De ce disparate, qu’elle est la raison d’être ?

Quand une Intelligence céleste[2]engendre l’Âme d’un ciel ou une Intelligence inférieure, elle demeure distincte et séparée

1. Theodorici de Friburgo Op. laud., pars II, cap. XIII. (Engelbert Krebs, Op, p. 144.

2. Theudorici de Frjburgo Op. laud., pars II, cap. XIX (Engelbert Krebs, Op. laud., pp. 148-149).

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