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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

créatures ; Thierry, cependant, maintient avec fermeté que cette démarcation n’est pas illusoire ; accordons-lui cette conclusion d’arguments trop subtils pour que nous les puissions saisir.

Voyons maintenant quel est le rapport de notre âme à l’Intelligence active.

« L’Intelligence active[1] est le principe causal de l’existence (essentia) de l’âme ; il en est le principe de telle façon qu’il lui soit identique au point de vue de la cause, et qu il lui soit intrinsèque comme le cœur l’est à l’animal. Pour bien comprendre cela, il faut considérer que, lors de la génération d’un animal, c’cst dans le cœur que le principe générateur dirige tout d’abord les esprits vitaux ; c’est là que se détermine l’aptitude de ces esprits à la génération des autres parties du corps ; partant, c’est par l’intermédiaire du cœur que sont engendrés les autres organes et l’animal tout entier ; ainsi, tandis que le cœur engendre les autres parties du corps, i ! demeure subordonné an principe générateur principal, qui est la cause essentielle. »

Cette comparaison nous ramène à la doctrine que Thierry professe sur le pouvoir générateur des Intelligences. C’est l’Intelligence active qui engendre notre âme ; elle ne la tire pas d’une matière préexistante ; elle la produit à partir du néant ; et, cependant, cette production ne mérite pas le nom de création, parce que, si l’Intelligence active en est capable, c’est en vertu d’un pouvoir que lui délègue la Cause première.

Notre auteur vient de nous dire que l’intelligence active est, « au point de vue de la cause, identique (idem secundum causam) » à l’âme qu’elle produit. Que faut-il entendre par là ?

Thierry vient de le dire dans un passage[2] où il citait Proclus et développait renseignement de cet auteur et du Livre des Causes.

« Entre substances, l’identité peut être de trois façons qu’énumère le commentaire de la cent trente-sixième proposition de Proclus[3] : « Toute chose existe de trois façons : à titre de cause, à titre d’essence, à titre de participante.

» En choses qui présentent entre elles un ordre essentiel, nous ne trouvons pas d’autres façons d’être que celles-là. Dans une semblable hiérarchie, en effet, chaque chose supérieure est, à titre

1. Thbodorici de Fbibvrgo O/k laud., pars IJt cap. IX (Engelbert Krebs, Op. laïuL) p, r^1)-

2, Tjieodqriqj pe Fri bueGO (Jp. laud-i pars II, cap. I (Engelbert Krebs, Op. laud^ p,

3. IIPOKAÜY AIAAOXnïlIAATaNIKOr éd‘ Creiizcr, prop. CXL : éd. Francofurti ad Mœnofii, 1822, pp. 208-209 ; éd. Parisiis, i855, p. XCVL

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