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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

« Algazel, dit notre auteur[1], suit la plupart du temps Avicenne et n’en est que l’abréviateur. » Aussi les erreurs que notre auteur lui reproche et qui sont tirées, dit-il, « de la Métaphysique d’Algazel, au traité De proprietatibus primi, qu’il a appelé Flos divinorum », sont-elles, pour la plupart, aussi bien imputables à Avicenne. Citons seulement celle-ci :

« Algazel a admis que du premier Principe, une multiplicité d’êtres ne pouvait procéder immédiatement ; aussi un être unique, l’intelligence première, a-t-il seul pu sortir immédiatement de Dieu.

» Il a admis que, de ce premier Ange, procédait un second Ange et le premier ciel. Du second Ange, procède le troisième Ange et le second ciel, et ainsi de suite jusqu’à ce que l’on parvienne au dernier ciel et à la dernière Intelligence. Il a voulu qu’il existât dix Intelligences et neuf cieux, et qu’ils se fussent ordonnés de la manière susdite. Il ajoute qu’il n’y a pas plus de dix Intelligences à moins que l’on n’admette l’existence de plus de neuf orbes. Il a supposé qu’une Intelligence présidait aux choses sublunaires ; il admettait, en effet, que ces choses inférieures constituent une sphère ; il mettait donc dix sphères en lGnivcrs, savoir, le premier mobile, l’orbe des signes, les sept sphères des planètes, enfin la sphère des êtres qui agissent et pâtissent ; à chaque sphère, il voulait qu’une Intelligence présidât, en sorte qu’il a supposé l’existence de dix Intelligences. Comme, selon cette hypothèse, les sphères ne sont pas toutes des sphères célestes, comme il y a seulement neuf sphères célestes et que la dixième sphère est celle des êtres qui agissent et pâtissent, Algazel, suivant son hypothèse, a été amené à déclarer qu’il y a neuf cieux et dix Intelligences. »

En parcourant la liste des hérésies que le Tractatus de erroribus philosophorum reproche à Aristote, à Avicenne, à Al Gazâli, nous ne pouvons pas ne pas être frappés de la large place qui est accordée aux affirmations touchant les Intelligences et les Âmes qui meuvent les cieux. Le temps n’est plus où Guillaume d’Auvergne pouvait écrire[2] :

« Le Monde supérieur est-il un être animé unique ou se compose-t-il de plusieurs êtres animés ? Les Âmes de ces êtres sont-

  1. Tractatus de erroribus philosophorum, Cap. VIII et Cap. IX. P. Mandonnet, Op. laud., Seconde partie, pp. 14-17.
  2. Guillelmi Parisiensis episcopi De Universo pars prima principalis ; Pars II (Guillelmi Parisiensis episcopi Opera, ed. 1516, t. II, tractatus de providentia, Cap. VII, fol. CXCV, coll. a et b.