Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/208

Cette page n’a pas encore été corrigée
198
LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

se répandre au travers de la subtancc de l’orbe de l’épicycle, s’il y a un épicycle ; puis, en troisième lieu, au travers de l’excentrique, et ainsi, de proche en proche, au travers des autres parties de la sphère, s’il en existe. Les parties mues, en un animal, de mouvements divers nous présentent un ordre tout semblable de priorité et de subordination ; en l’animal, la première chose qui soit engendrée et mise en mouvements, c’est le cœur ; puis, par l’intermédiaire du cœur, les autres membres sont engendrés et mis en mouvement suivant un certain ordre que la nature leur a prescrit ; ainsi en est-il dans le cas qui nous occupe.

» Par là on voit clairement qu’il n’appartient, pas à n’importe lequel de ccs moteurs-partielsi de donner l’existence au corps qu’il meut comme nous venons de le dire ; ccs moteurs, en etfet, ne sont pas tous des formes substantielles ; de cette manière là, qui consiste à informer d’une manière substantielle, une seule substance correspond à la sphère totale ; elle informe substantiellement toute cette sphère ; c’est d’elle que dépend, selon les philosophes, l’unité en même temps que l’existence (eniitas) de la sphère totale. »

Le langage de Thierry de Freiberg est d’une parfaite clarté. 11 est certain que, pour lui, « la nature qui est le principe du mouvement d’un corps céleste est une Intelligence motrice ; que cette nature intrinsèque est une forme substantielle, une Âme » dont les rapports avec le corps céleste se peuvent comparer, de tous points, à ceux qui existent entre l’âme et le corps d’un animal terrestre. Il est certain « que l’Âme de chaque ciel est une Intelligence et que les orbes célestes ne sont pas simplement les instruments de ces Intelligences, qu’ils en sont les organes à la façon dont l’œil et l’oreille sont les organes de la vertu sensitive ». Il est certain, enfin, « que les corps célestes sont mus par un principe intrinsèque qui est une Âme, » et il va de soi « qu’ils sont mus par cette Âme grâce à la vertu d’un appétit, comme l’est l’animal. »

Il est donc évident que la doctrine de Thierry tombe en entier sous le coup des condamnations portées, à Paris, en 1277, car les quatre propositions par lesquelles nous venons de la résumer étaient de celles que ces condamnations déclaraient erronées. Peut-être jugera-t-on qu’Étienne Tempier et ses conseillers avaient été bien inspirés en préservant les maîtres chrétiens de l’Université de Paris du Néoplatonisme sans frein auquel s’abandonnait notre Dominicain saxon.