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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

manière, nous pouvons dire que les moteurs des diverses parties de la sphère de la Lune (et il en est de même de chacune des autres sphères), des parties qui sont mues de mouvements distincts, sont des vertus infusées en ccs parties, des dispositions qualitatives qui y sont imprimées par une seule substance principale que nous appelons l’Âme de ce ciel pris en sa totalité ; ce moteur principal, que nous nommons Ame de l’ensemble de ce ciel, en meut les diverses parties par ces impressions qualitatives ; ainsi voyons-nous, dans les autres êtres animés, qu’une âme unique les anime et qu elle communique à chacune des parties les mouvements propres dont ces parties sont mues ; ainsi voyons-nous que le mouvement du cœur, que les mouvements des artères, que les mouvements propres des autres membres du corps ont un seul principe qui est une âme unique ; de même en est-il, disons-nous ? au sein de chacune des sphères célestes ; chaque sphère est animée par une seule âme ; par la vertu qu’elle répand simultanément dans toutes les parties de cette sphère, elle meut chacune d’elles du mouvement propre qui lui convient.

» L’opinion qui a été exposée en second lieu est, pour moi, celle qui est la plus raisonnable et la plus probable, bien que les diverses parties d une même sphère, parties qui sont mues chacune pour son compte, ne soient point continues, mais contiguës. »

Ici, en effet, il en est comme en Mathématiques. En Mathématiques, il n’y a pas de différence entre la continuité et la contiguïté ; deux segments, contigus l’un à l’autre, d’une même ligne droite, forment une droite continue. Ainsi en est-il pour les divers orbes qui composent une même sphère céleste ; la contiguïté entre ces orbes ne diffère pas de la continuité, parce que leur ensemble constitue une chose qui est une par elle-même et en vertu d’un ordre essentiel ; cette unité essentielle qui assure ainsi la continuité entre les diverses parties contiguës d’un même tout, « a pour fondement cela même qui sert de fondement à 1 existence (entitas) de ces parties ; ce fondement, c’est un certain acte formel ; dans le cas proposé, cet acte formel n’est pas autre chose que F Ame unique de cette sphère céleste, qu’il s’agisse de la sphère de la Lune, de la sphère du Soleil ou de la sphère de quelque autre astre. Dans la recherche précédente, en effet, nous avons supposé que ces diverses sphères étaient, pour ainsi dire, spécifiquement différentes les unes des autres, tandis que les diverses parties d une même sphère sont de même espèce, en sorte que la sphère entière est spécifiquement une ; or les sphères célestes sont per-