Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

[à la Cause première] et incommunicable ; elles en procèdent par un mode moins élevé, non qu’elles soient extraites de quelque sujet : préexistant], mais elles n’en procèdent pas sans intervention de cette action qui est, avons-nous dit, propre à la Cause première ; c’est cette action qui sert de fondement à toutes les autres actions, soit que ccs dernières produisent les choses à partir de quelque sujet préexistant soit qu’elles ne les tirent pas d’un sujet. C’est Là l’avis des Philosophes. Aussi est-il dit au Livre des causes, comme on l’a rapporté plus haut : « Dieu a créé l’Âme par l’intermédiaire de l’intelligence. » Cela veut dire simplement que l’intelligence a produit l’Âme sans l’extraire d’un sujet, ce qui est la manière d’agir propre à l’intelligence ; mais cette manière d’agir, cette vertu, l’intelligence la reçoit de la Cause première qui est Dieu ; c’est une participation à l’action qui n’appartient qu’à Dieu, et qui est la création. L’Intelligence produit donc par un procédé moins élevé que la création.

» C’est de cette manière que l’intelligence première et suprême produit la seconde Intelligence, l’Âme du ciel suprême et la substance même de l’orbe céleste le plus élevé. Cette seconde Intelligence produit la troisième Intelligence, l’Âme du second orbe et le second orbe lui-même. Il en est régulièrement ainsi jusqu’à ce qu’il y ait neuf Intelligences ; la neuvième préside au neuvième orbe céleste, à celui qui est le moins élevé ; elle y préside en produisant l’Âme de ce ciel infime, la substance de ce même ciel et enfin la dixième Intelligence. Cette dernière Intelligence préside à la région élémentaire et aux corps qui s’y trouvent ; ces corps, elle les tire du néant ; ils sont, d’ailleurs, soumis aux actions des Âmes célestes ; ces actions, les Âmes les exercent, par l’intermédiaire des corps célestes qui leur appartiennent ; c’est la manière d’agir qu’elles ont proprement et par elles-mêmes.

» Voilà ce qu’il suffit de dire des Intelligences, touchant leur essence, leur nombre, le procédé par lequel elles sont amenées à l’existence, le pouvoir qu’elles ont de créer d’autres êtres ; tout cela a été exposé selon l’avis des Philosophes, sauf meilleur et plus exact jugement, et sans préjudice de ce que nous devons tenir pour vrai suivant la Sainte Écriture, s’il s’y trouve quelque enseignement contraire à ce qui vient d’être dit — Hœc secundum Sententiam philosophorum, salvo meliori et veriori judicio, et sine præjudicio ejus quod tenendum est secundum Scripturam Sanctam si alicubi in ea inveniatur contrarium supradictis. »

Si invraisemblable que cela paraisse, Thierry de Freiberg croyait possible, sans infidélité à la doctrine catholique, d’admettre