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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

« Il a admis que l’âme intelligente et le corps ne formaient pas, par leur union, une troisième chose, en sorte que ce qui résultait « le cette âme et du corps n’est pas plus un que l’ensemble formé par un ciel et son moteur. »

Parmi les erreurs relevées en la Métaphysique d’Avicenne[1], se trouve, en particulier, celle-ci, qui est le principe même du Néo-platonisme :

« Avicenne a erré au sujet de l’émanation des êtres à partir du premier Principe. Non seulement, en effet, il a admis que les choses produites par le premier Être avaient procédé de lui de toute éternité, mais encore il a prétendu que du premier Principe, un seul être, l’intelligence première, avait procédé immédiatement… Aussi suppose-t-il que ni les corps ni les formes qui sont les perfections des corps, ne sont directement causés par le premier Être.

» Il s’est encore trompé, car le principe précédent la conduit à cette erreur. Les Âmes des cieux sont produites par les Intelligences ou Anges, et chacune des Intelligences est produite par une autre Intelligence.

» Il a dit que les corps des cieux étaient, produits par les Ames de ces mêmes cieux, et cela par l’intermédiaire de leurs formes,

» Il résulte de ces suppositions que les Intelligences sont créatrices des Âmes célestes, que les Âmes célestes sont créatrices des corps des cieux, et que les Intelligences supérieures sont créatrices de l’intelligence qui est au-dessous d’elles.

» Il a admis que nos âmes étaient produites par la dernière Intelligence, dont dépend le gouvernement de ces Ames et, par conséquent, notre béatitude.

» Il a encore erré en admettant que chaque ciel était animé ; il ne s’est pas contenté de dire que l’Âme du ciel est un moteur approprié à ce ciel, comme le Philosophe et le Commentateur se sont efforcés de le déclarer, mais il a prétendu que, du ciel et de l’âme du ciel se formait un être unique, comme de notre corps et de notre âme. Cela est contre Saint Jean Damascène qui, au chapitre VI du premier livre Du Ciel, dit que les cieux sont inanimés et insensibles…

» Il a erré également au sujet du nombre des Intelligences, car il a admis que les Anges étaient en même nombre que les orbes, ce en quoi il concorde avec les dires du Philosophe. »

  1. Tractatus de erroribus philosophorum, Cap. VI. P. Mandonnet, Op. laud., Seconde partie, pp. 11-14.