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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

tacle, qui préexiste à l’épanchement de l’existence et qui est capable de recevoir telle ou telle partie de cette existence ; ceux-là raisonnent comme Ulrich de Strasbourg et la doctrine à laquelle ils aboutissent est, en définitive, celle d’Avicenne, d’Al Gazâli et de saint Thomas d’Aquin.

D’autres assimilent l’essence à une sorte d’emporte-pièce qui vient découper et détacher dans l’existence uniformément répandue la part qui convient à chaque créature ; ceux-ci discourent comme Thierry de Freiberg et leur enseignement, reproduit ce qu’il y avait d’essentiel dans la thèse d’Henri de Gand.

Les uns comme les autres, considérant la perfection et l’unité de l’Être suprême en même temps que l’imperfection et la variété des êtres créés par lui, cherchent le principe de cet abaissement et de cette diversité ; ce principe de que Damascius ne pouvait découvrir dans la doctrine de Proclus[1], nos métaphysiciens, quoiqu’ils en aient, le demandent, toujours à une essence distincte do l’existence. En fait, c’est bien aussi par cette dualité de l’essence et de l’existence qu’Al Fârâbi, Avicenne, Al Gazâli avaient tenté d’expliquer comment un Monde étrangement divers avait pu sortir de la Cause première absolument une.

B. L’influence directe de Proclus.

Dans son traité De esse et essentia, Thierry de Freiberg invoque sans cesse le Livre des Causes par l’intermédiaire duquel il reçoit l’influence de Proclus ; mais de Proclus même, il ne cite pas le nom[2] ; dans nombre de ses écrits il ne se contente plus de recourir au Livre des Causes ; il cite l’Elementatio Theologica, dont il fait, semble-t-il, la principale inspiratrice de sa pensée.

Nous avons dit[3] comment, en 1268, Guillaume de Mœrbeke avait mis en latin la Στοιχείωσις θεολογική de Proclus.

L’actif traducteur n’avait pas, d’ailleurs, borné à la seule Elementatio Theologica ses efforts pour révéler, à la Chrétienté latine, les doctrines de Proclus ; de cet auteur, il avait encore mis en latin trois opuscules auxquels il avait donné les titres suivants :

1. Voir : Troisième partie, ch, ii, § VII ; t. IV, pp. 460-461.

2. Peut-être serait on tenté d’en conclure que le traité De esse et etsenfia est üüe œuvre de jeunesse et que Thierry, lorsqu’il le composait, ne connaissait pas encore l’Elementatio theologica de Proclus. On se tromperait assurément car. au esse et estentiat le Dominicain saxon fait mention (p. 521) de son iraité De tribus dif ficilibus ; ort dans ce traité, que nous a u ro n s phisieurs fois à citer, le nom de Proclus, écrit dès le début, revient sans cesse.

3. Troisième partie, Ch. I, § ii ; t. IV, p. 332.

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