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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

qui est le premier Acte ; d’autre part, une puissance, en vertu de ceci : par suite de ce que la créature est en elle-même, elle tombe à une certaine distance du premier Acte.

» En effet, l’existence de toute créature est un acte que la Source première de toute existence infuse en elle ; partant, à cette influence, il faut que quelque chose serve de réceptacle et de fondement. »

Ainsi l’essence reçoit l’existence que lui infuse le premier Être à la façon d’une puissance qui passe à l’acte, d’une matière qui revêt une forme ; c’est bien ce qu’entendaient Avicenne et Al Gazâli ; mais ce n’est point du tout ce que voulait le Livre des Causes ; au gré de cet écrit, par rapport aux formes qu’impriment la première Vie et l’intelligence première, c’est l’existence, c’est l’esse, qui jouait le rôle de fondement, et de réceptacle, qui se comportait comme une matière, qui méritait le nom d’hyliathis. Pour tirer la doctrine de Proclus du mauvais pas où elle s’était engagée, il a fallu la bouleverser en y introduisant une notion qui lui était tout à fait étrangère, celle de l’essence ou quiddité entendue comme le voulait Avicenne.

II

Thierry de Freiberg

A. L’essence et l’existence.

Entre la Métaphysique du Livre des causes et la Métaphysique d’Avicenne, Thierry de Freiberg entend bien éviter tout compromis ; partisan convaincu de celle-là, il va combattre et proscrire celle-ci avec la dernière rigueur.

Son traité De esse et essentia marque le vif désir de dissiper tout malentendu dans les termes[1].

Les deux termes : ens et entitas sont étudiés les premiers[2].

Ce terme : un être, ens, se peut appliquer à toute réalité, à un accident comme à une substance, et il est l’appellation la plus générale que l’on puisse attribuer ; il embrasse dans son entier la chose dont on le dit ; il en exprime toute l’essence

  1. Krebs, Le traité « De esse et essentia » de Thierry de Fribourg (Revue néoscolastique de Philosophie, XVIIIe année, 1911, pp. 516-536).
  2. Krebs, Op. laud., pp. 120-122.