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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

par information de l’existence et par détermination de la vie, qui parvient ainsi à l’espèce de la vie intellectuelle.

» Aussi est-il dit dans le Livre des Causes[1] : « Toutes choses ont essence à cause du premier Être. Toutes les choses qui sont vivantes et en mouvement » ont ce mouvement par lequel elles vivent, ce mouvement de l’esprit vital qui transporte la vie dans toutes les parties du corps vivant, « sont vivantes et mues à cause de la première Vie ». Et toutes les choses intellectuelles, » que leur nature ait seulement l’aptitude à connaître ou qu elles possèdent la science d’une manière actuelle, « ont cette science à cause de la première Intelligence », c’est-à-dire de la première cause capable de rendre intelligent.

» De tout cela, voici la preuve :

» Toute cause donne par elle-même, à son elfet, quelque chose d’elle-rnême, savoir sa forme ; mais, seul, le premier Etre est, par lui-même, cause de tous les êtres. Tous les autres êtres sont causes par un autre, savoir par la première Cause, et non par eux-mêmes, car d’eux-mêmes, ils ne sont rien. C’est donc cette première Cause qui donne l’existence à toutes les créatures (omnibus causatis).

» Pour la même raison, c’est la Vie première qui, à toutes les créatures, donne la vie ou le mouvement vital. La vie, en effet, est progrès (procession) et mouvement ; elle est un flux qui procède du premier Être ; dans son éternel repos, celui-ci est la source de ce flux.

» De façon semblable, l’intelligence première donne la Science aux choses dont elle est cause ; elle leur donne une nature intellectuelle apte à connaître ; elle leur donne la science en acte ; voilà pourquoi il n’est pas de science véritable si elle n’est reçue dans la lumière de l intelligcnce ; émanée de la Cause première, cette lumière se répand sur tous les aspects de la nature ».

Ce que nous venons d’entendre est la pure doctrine de Proclus et du Livre des Causes ; cette doctrine, Ulrich la marie parfois, et d’assez heureuse façon, avec l’enseignement d’Avicenne.

La Cause première, dont l’unité parfaite défie toute description, laisse couler un flux de bonté parfaitement égal et uniforme. D’où vient donc qu’à cet épanchement qui sourd du Bien suprême, les diverses créatures aient des parts inégales ?

« Cette diversité dans la réception du bien, disait le ""Livre des""

1. Liber de Causis, XIX, Voir : Troisième partie, Ch. I, § II, t. IV, p. 341.

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