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LA DOCTRINE DE PROCLUS ET LES DOMINICAINS ALLEMANDS

sujet, il en était venu à construire cette âme sur le plan que le Livre des Causes assignait à toute créature, à y placer une existence dans laquelle des formes sont venues s’imprimer.

L’attrait singulier qu’AIbert semble avoir éprouve pour le Livre des Causes se montre plus grand encore dans l’esprit de scs disciples.

C’en était un qu’Ulrich de Strasbourg ; nous avons vu[1] comment il tenait d’Albert le Grand toutes ses connaissances astronomiques ; nous ne nous étonnerons pas qu’il lui ait, en même temps, emprunté une grande admiration pour le Livre des Causes.

De cette admiration, le Tractatus de summo Bono porte témoignage ; non seulement l’œuvre du commentateur de Proclus y est très fréquemment citée, mais encore, au traité d’Ulrich, nombre de chapitres ne font que le paraphraser.

Ainsi en est-il, par exemple, du chapitre où le Dominicain de Strasbourg étudie les vertus essentielles des Intelligences ; c’est dans ce chapitre que se lit le passage suivant[2] :

« Trois processions partielles contribuent à la substance des choses ; ce sont l’existence (esse), la vie et l’intelligence ; d’une certaine manière, elles procèdent des vertus infinies dont nous venons de parler ; toutefois, au point de vue de la causalité première et proprement dite, c’est par la première Gause qu elles sont causées, bien que de façons diverses.

» Dans l’ordre de la nature, en effet, l’existence ne présuppose rien en quoi elle trouve son fondement et son ébauche (in quo sit firmatum inchoative) ; nécessairement, donc, elle est tirée du néant par voie de création.

» La vie, au contraire, présuppose l’existence ; en celle-ci, la vie réside à l’état d’ébauche (in quo est vita per inchoationem) ; elle ne peut donc être faite à partir du néant ; elle ne peut l’être par voie de création, car elle est faite à partir de quelque chose ; elle est faite par information ; elle signifie une existence formée en vue d’une certaine lin (ad aliquid).

» L’intelligence, elle aussi, est faite de quelque chose, et non pas à partir du néant et par voie de création ; à l’état d’ébauche, en effet, elle réside dans l’existence et dans la vie ; elle est faite

1. Voir : Seconde partie, ch. VI, § IV ; t. III, pp. 359-363.

2. Udalrici de Augewtina Tractatus de summo Bono, Cap. 3um tractatus 3ii : De virtulibus essentialibus întelligentîarum et de hujtistnodi. Qua ratîone harum virtutum ipsas consequuntur sive absolute sive in comparatione ad virtutem Cause prime. Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. no 15900, fol. 308, col. d, et fol. 309, col. a.

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