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HENRI DE GAND

que[1] ce propos, tenu par Guillaume d’Auxerre en sa Somme théologique : « En la génération de l’homme, la matière est d’abord sous une forme vile, celle de la semence ; puis elle reçoit une forme meilleure, et ainsi de suite, jusqu’à ce qu’une dernière préparation ou organisation la rende apte à recevoir l’âme. »

Mais en dépit des pensées isolées qu’ont pu émettre quelques précurseurs, Henri serait en bon droit de déclarer que cette doctrine est bien à lui, non seulement parce qu’il l’a, le premier, exposée d’une manière systématique, mais encore parce qu’elle prend naturellement place en l’ensemble de sa philosophie.

La forme naturelle par laquelle la matière est préparée à recevoir l’âme n’est pas un germe, une raison séminale de l’âme, une sorte d’âme en puissance. La création de l’âme ne fait pas passer l’âme de la puissance à l’existence actuelle, mais d’un être animé en puissance fait un être animé en acte[2]. Il en est donc de l’âme comme de toute autre forme ; c’est le composé, et non point la forme, qui est engendré, qui est amené de l’existence en puissance à l’existence en acte.

D’une manière générale, il faut considérer deux éléments dans la matière : l’existence pure et simple, par laquelle elle est déjà, en 1 absence de toute forme, une chose en acte ; puis la puissance à recevoir la forme, c’est-à-dire ce par quoi la matière est apte à devenir substance composée, substance informée. Selon les voies de la nature, la matière ne peut exister qu’en ce dernier état ; elle ne peut être dépouillée de toute forme. Mais Dieu pourrait, s’il le voulait, la faire subsister en son existence pure et simple, sans lui adjoindre aucune forme.

De même[3], en l’homme, on peut considérer la matière unie à une certaine forme naturelle qui la prépare à recevoir l’âme ; cet ensemble de la matière et de la forme naturelle constitue l’être animé en puissance ; Dieu, en lui communiquant l’âme qu’il crée, fait, de cet être animé en puissance, un être animé en acte. Selon les voies de la nature, la matière ne saurait exister, d’une manière substantielle et individuelle, sous cette seule forme de mixtion et d’organisation qui la prépare à recevoir l’âme ; dès là qu’elle est sous cette forme, elle est, en même temps animée. Mais d’une manière surnaturelle, dans le sépulcre qui gardait le

1. Henrici a Gandavo Ouodlibeta ; quodlib. IX, quæst. VIII, éd. cit, , fol. CCCLXIX. recto,

2. Henrici a Gandavo Quodlibeta’, Ouodlib. IV quæst. XIV ; éd. cit., fol. CXXI1, recto.

3. Hbnrici a Gandavo Ouodlibeta’, quodlib. 111, quæst. XV ; éd. cit., fol. LXX1V, recto.

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