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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

quelque forme composée » [qui s’unirait ensuite à la matière ; chacune d’elles s’unit à la matière pour son compte, directement, en même temps que l’autre, mais indépendamment de l’autre]. « Toutefois, l’union de la forme naturelle avec la matière est plus immédiate » que l’union de l’âme avec la même matière.

Cette théorie échappe, on le voit, à toutes les objections qui sont communément élevées contre la doctrine de la pluralité des formes. La forme surnaturelle, l’âme, ne vient pas s’unir à un composé de la matière et de la forme naturelle qui serait déjà pourvu de l’existence substantielle, qui serait déjà une chose bien déterminée (hoc aliquid). Il reste à montrer comment elle évite aussi la difficulté que la doctrine de l’unité de la forme rencontre en l’enseignement de la Théologie. Comment la nouvelle théorie sauvegarde-t-elle l’identité numérique du corps vivant de Jésus-Christ et du corps inanimé déposé dans le sépulcre ?

La forme naturelle[1] tirée des puissances de la matière était, après le départ de l’âme de Jésus-Christ, demeurée dans la matière de son corps ; elle assurait encore, à elle seule, l’existence substantielle de ce corps ; elle le maintenait numériquement identique au corps vivant. Cette union de la forme naturelle avec la matière du corps, en l’absence de l’âme, eut été impossible suivant le cours habituel de la nature, comme il vient d’être dit ; elle était donc surnaturelle et miraculeuse ; elle était rendue possible par l’union hypostatique de la nature humaine, prise en sa totalité, avec la nature divine en la personne de Jésus-Christ. « Le corps du Christ vivant et le corps du Christ mort était donc numériquement le même par suite de l’unité de sa forme. »

Telle est la doctrine que le théologien gantois n’a cessé de développer, d’éclaircir, de défendre contre les objections[2].

Cette doctrine qui met en l’homme une forme naturelle par laquelle la matière est préparée à recevoir l’âme, tandis que l’âme, directement créée par Dieu, est mise par lui dans la matière ainsi préparée, cette doctrine, disons-nous, Henri se plaît à l’autoriser du suffrage d’anciens auteurs ; c’est ainsi qu’il invo-

1. Henri de Gand, loc. éd, cit.., fol. CXVT rpclo.

2. Voir : Henrici a Gandavo QuodiibeUj Quodlib— IV, quæât* XIV : Utrum in malaria ait ratio seminslia quie est forme inchoatio. Quùdlib, quæst, VIH : Utrum dicendo ; Hoc est corpus meumttenei Ecclesia* secundum usum et dicta sanctorurn, quod fiai conversio in substantiam animæ ratioualis secundum quod dal esse cor pore um ; an in solam matériau), ut habet partes suas exfensAs su b parti bus dimension um ; an in alïqtlid compoBitum ex materia et forma alla præter atmnani inteUeciivain.

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