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HENRI DE GAND

avant que l’être corporel n’ait acquis le mode de mixtion qui le rend propre à être l’instrument de l’âme… Cette forme de mixtion ne peut être détruite par la venue de l’âme ni naturellement, car elle ne répugne pas à l’âme et rien n’est détruit que par suite de quelque contrariété, ni surnaturellement, car dans la génération de 1 homme, il n y a d autre miracle que la création de l’âme et son union avec le corps. Il faut donc que cette forme naturelle, engendrée de la puissance de la matière, subsiste dans l’homme avec l’âme intcllective qui est surnaturellement unie au corps. »

Toutefois, on doit, au sujet de la coexistence de ces deux formes, faire cette remarque essentielle[1] : « De même que la forme surnaturelle ne saurait, sans la forme naturelle, être reçue en la matière, de même la forme naturelle n’est pas apte, en l’absence de la forme surnaturelle, à subsister en la matière et à constituer un composé doué de toute la perfection que comporte son espèce. Elles ne sont pas aptes à survenir en la matière séparément l’une de l’autre, mais bien toutes deux à la fois ; ni l’une ni l’autre tl entre elles ne peut, à elle seule, donner quelque chose du sujet ; aucune d’elles ne saurait subsister sans l’autre ; au sujet, l’une ne donne pas une existence substantielle, et l’autre, une autre existence substantielle ; elles lui donnent ensemble une seule et même existence. Il ne faut donc pas croire que la forme naturelle se trouve, tout d’abord, naturellement adjointe à la matière et qu’elle donne au composé formé par elle-même et par la matière une existence individuelle incomplète ; que l’âme survient ensuite, donne le complément de cette existence et produit l’individu parfait. Il faut bien comprendre que dans la matière et le composé, la forme naturelle ne peut subsister sans l’âme ni l’âme sans la forme naturelle ; que l’une de ces formes ne peut, à moins que l’autre ne l’accompagne, donner au composé l’existence substantielle… Ces doux formes jouent donc, en la constitution du composé, le rôle d’une forme unique, car elles confèrent à un seul sujet une seule existence substantielle. En tant que formes qui donnent l’existence, elles perfectionnent toutes deux la matière d’une façon immédiate ; elles adhèrent toutes deux [directement] à la matière ; ni l’une ni l’autre, en tant qu’elle est forme, ne vient s’adjoindre à un composé qui posséderait déjà quelque existence ; elles ne forment pas non plus entre elles

  1. Henrici a Gandavo Quodlibeta ; quodlib. IV, quæst. XIII ; éd. cit., fol.CXII, verso, et fol. CXIII, recto.